Une analyse de pratique inspirée de la méthode Balint
Construire l’expérience, c’est dégager de la pratique les composantes objectives mais également subjectives, la dynamique émotionnelle et affective. En effet, le médiateur est en permanence confronté à des questions éthiques, déontologiques, méthodologiques, institutionnelles, ainsi qu’à des impasses, résonances ou blocages. L’analyse de la pratique lui permet de développer une réflexion sur ce qu'il vit et fait professionnellement. Partager son expérience avec ses pairs et approfondir les points théoriques sur sa pratique, l'aide à mieux « penser » et à mieux « vivre » les situations complexes qu’il rencontre.
L’objectif de l’analyse de la pratique expliquée ci-après est de travailler avec la dynamique du groupe en utilisant l’intelligence collective pour transformer l’impasse en voie de résolution. Un professionnel n’est jamais isolé d’un contexte. Winnicott disait « un bébé n’existe pas tout seul ». L’idée est donc de mettre les compétences professionnelles, humaines et intellectuelles de chaque participant au service du groupe, dans une démarche responsable et collaborative, une démarche de bienveillance et d'humilité.
Le groupe peut ainsi convenir de fonctionner en intervision, c'est à dire de façon autogérée, et sans superviseur, en assumant cette fonction collectivement, dans une vigilance bien partagée. Le groupe accompagne professionnellement et humainement chaque participant dans les questionnements concernant sa pratique, en apportant des expériences professionnelles similaires et des éclairages théoriques sur les situations énoncées. Chacun devient responsable de l'autre. Les échanges sont vécus comme une aide, loin de tout contrôle.
Il sera de ce fait demandé à chaque participant de s’engager à respecter le cadre défini démocratiquement par l’ensemble du groupe ainsi que le processus, lors de la première séance d’analyse de la pratique. Voici la méthode que j’utilise, inspirée de la méthode Balint, en usage dans les professions médicales et sociales.
L’objectif est de :
- Sortir de l’isolement par le partage
- Créer une solidarité professionnelle et des liens de cœur
- Approfondir ses connaissances et en acquérir de nouvelles
- Améliorer ses techniques
- Trouver des solutions grâce aux échanges d’expériences avec les collègues
- Développer la réflexion sur l’action dans un cadre éthique défini
- Gérer les émotions relationnelles
- Penser l’Être dans sa complexité et dans sa capacité au changement…
La méthode consiste à :
Définir les règles du cadre de manière démocratique avec le groupe. Les médiateurs sont champions dans ce domaine !
- Engagement volontaire, ouverture du groupe à d’autres personnes ou non...
- Confidentialité des propos tenus, liberté de parole…
- Nombre de séances, dates, horaires, pauses…
Le processus, à appliquer avec rigueur, est le suivant :
Le groupe choisit une situation parmi les différentes situations à explorer durant la séance.
1er temps : Temps de l’exposé du récit
Le narrateur choisi par le groupe expose spontanément au groupe la situation qui le préoccupe et son questionnement, sans intervention du groupe (10 à 15 minutes).
2ème temps : Temps des questions factuelles
Chaque participant pose des questions factuelles au narrateur afin d’approfondir les éléments du récit qui lui manquent et ceci sans donner de solutions.
3ème temps : Temps d’intelligibilité
Il s’agit d’un temps ou le narrateur se met en retrait, il ne participe pas aux échanges. Chaque membre du groupe s’adresse à l’ensemble des personnes présentes (et non au narrateur) pour faire part à ses collègues des situations similaires qu’il a rencontrées dans sa pratique, de son expérience professionnelle, des résonances, hypothèses, des outils utilisés pour débloquer la situation, de ses connaissances théoriques sur le sujet, de ses observations, impressions, …
4ème temps : Temps du modifiable
Le narrateur reprend la parole et puise dans l’expérience d’élaboration du groupe le choix de l’action la plus adaptée à sa personnalité.
Cette méthode permet à chaque médiateur de s’exprimer d’égal à égal en fonction de sa sensibilité et de son approche des situations rencontrées, de libérer la parole et en définitive de s’autonomiser en se mettant à chaque fois dans différents rôles.
Et ainsi de suite… A vous de jouer !
Danièle HENRIE
Médiatrice familiale D.E., Thérapeute familiale systémicienne
Formatrice, Analyse de la pratique professionnelle
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