Médiation de la consommation : analyse d'un cas de vente sur foire
Le contexte de la Foire de Paris
Conclusion d’une vente de fenêtres dont les conditions contractuelles ne correspondaient pas aux arguments présentés sur le stand pour conclure. Parmi ces arguments figurent une garantie de 28 ans, critère déterminant de la décision de l’acheteur en ce sens qu’elle constituait un avantage compétitif, ainsi que la réduction d’impôts à laquelle ouvrait droit l’installation prévue au titre de l’économie d’énergie. Or sur le Bon de commande n’était mentionnée que la garantie décennale. Aucune spécification relative à l’isolation thermique n’y était évoquée. Se sentant berné, le client a fait des recherches sur internet et découvre des commentaires négatifs sur les prestations du fournisseur, ainsi que des informations sur l’entreprise en ce qui concerne les effectifs (deux salariés au lieu des quatre cents annoncés par le vendeur) qui ont renforcé son sentiment de lésion. À cette occasion, il réalise que les ventes sur foire ne bénéficient pas du droit de rétractation, alors qu’ayant perdu confiance, il voulait annuler son achat. C’est dans ce contexte qu’il se présentait le lendemain de sa tractation en vue d’une médiation.
Déroulement de la médiation
Dans un premier temps, l’acheteur exposait directement sa colère qu’il avait besoin de « déballer », ce que je laissais faire, avant de lui demander les raisons qui le mettaient dans cette situation. Il les résuma par le sentiment de s’être fait berner, par la perte totale de confiance et par sa volonté d’annuler la vente tout en se sentant coincé par l’impossibilité de se rétracter, alors même qu’il avait versé un chèque d’acompte de 1.200 € qu’il était prêt à sacrifier. Après avoir reformulé la situation en centrant sur son ressenti, et obtenu son assentiment sur ce point, je le questionnais sur ce qu’il attendait de la médiation. Sa réponse se limitait à vouloir l’annulation de la vente.
Je lui demandais si, compte tenu de l’impossibilité de se rétracter, et au regard de ce qui fonde sa colère, il serait rassuré de voir écrit toutes les informations manquant dans le bon de commande, ce qu’il affirmait non sans quelque réticence. Toutefois, il était rasséréné et la suite de la discussion était moins passionnée. Je reprenais la raison de sa colère initiale, à savoir l’absence sur le bon de commande des précisions qui lui avaient été fournies dans l’argumentaire de vente. Puis je lui demandais si un engagement de la part du vendeur sur les éléments mis en avant pour conclure l’aurait tranquillisé. Il répondit par la positive.
Après cette première étape, je lui expliquais le processus de la médiation en lui exposant l’approche que j’allais entreprendre, à savoir l’accompagner sur le stand, me présenter au vendeur et lui expliquer la situation et l’objectif de ma démarche qui consistait à leur permettre de renouer le dialogue pour qu’ils trouvent, ensemble, une solution satisfaisante. Arrivés sur le stand en question, après m’être présentée en ma qualité de médiatrice, j’expose au vendeur le désarroi de son client et les raisons qui le justifient. Puis je lui demande s’il acceptait d’en discuter avec lui de sorte à trouver une solution.
Le vendeur ayant acquiescé, le dialogue s’est établi entre les deux. Pour rassurer son client, le vendeur appela le directeur de l’entreprise qui lui expliqua que par le caractère familial de la société, il n’avait aucun intérêt à berner ses clients s’il voulait prospérer. Il lui présenta la structure de l’entreprise pour clarifier la question de l’effectif qui posait question au client, et expliqua pourquoi la garantie décennale seule figurait dans le contrat, la garantie additionnelle étant assurée par l’entreprise et non par une assurance. Pour que le client soit totalement tranquillisé, il porta sur le bon de commande les précisions qui manquaient quant à la garantie et aux spécifications techniques requises pour bénéficier de la réduction fiscale. Il y ajouta une plaquette sur laquelle figuraient ces éléments, complétant le tout par un engagement express à lui rembourser 30% du prix de vente s’il n’obtenait pas la réduction fiscale à laquelle il lui disait avoir droit. Ils se sont quittés en se serrant la main, le patron de l’entreprise lui annonçant qu’il suivrait personnellement le chantier pour s’assurer de son entière satisfaction. Un petit débriefing sur le dénouement de l’affaire nous a permis de nous assurer que le client était très satisfait et rassuré, affirmant qu’il l’était d’autant plus qu’il avait vraiment besoin de changer ses fenêtres.
Analyse du cas
Tout d’abord, il faut souligner que la pratique de la médiation dans le contexte d’une vente sur foire est très particulière en ce qu’elle consiste souvent à dénouer une situation de vente conclue fréquemment à l’arraché. Les clients sont « alpagués » dans les allées et mis totalement sous l’emprise de vendeurs rompus aux méthodes de ventes agressives et visant la signature d’un bon de commande. Il s’ensuit des ventes faites sous pression ou à tout le moins de façon impulsive, sans prendre le temps du recul et de la comparaison. Lorsque, la nuit portant conseil (et parfois le conjoint), des regrets se font ressentir, la prise de conscience de l’impossibilité de se rétracter finit par achever le processus.
À ce contexte particulier s’ajoute le temps très court dont le médiateur dispose, l’objectif très ciblé qui lui est soumis, de même que l’impossibilité de réunir les conditions nécessaires à la confidentialité. Ce qui ne prêtait pas à une médiation au sens plein du terme. Ainsi, la première étape de mise en place de la médiation ne s’est pas réalisée de façon complète : l’information des règles éthiques et déontologiques auxquelles adhère le médiateur n’a pas été abordée; les règles de fonctionnement de la médiation (feuille de présence, lettre de mission) n’avaient pas lieu d’être. La deuxième étape de la médiation n’a pu se dérouler selon un processus normal, seul l’entretien individuel avec l’acheteur ayant eu lieu. De même, les aspects formels de la médiation n’avaient pas lieu d’être (contrat pédagogique, convention écrite préalable à la médiation, modalités de suivi, clause de retour devant le médiateur … ). L’instauration du climat de confiance s’est réalisée en deux phases, mais en les adaptant au contexte particulier dans lequel se déroulait la médiation. S’il a été réalisé avec l’acheteur dans le cadre de l’entretien individuel, il a été instauré en réunion « plénière » entre le vendeur et le médiateur, lors de la présentation du rôle de ce dernier, puis entre le vendeur et l’acheteur dans le cadre de la discussion qui s’en est suivie. La troisième étape d’identification des positionnements, des enjeux et des intérêts, a quant à elle été contractée dans la mesure où il ne s’agissait pas de centrer l’objectif autour d’un accord de médiation et où la planification des entretiens n’avait pas lieu d’être. L’étape se résumait à animer les échanges entre les parties.
Toutefois, le processus de la médiation peut avoir lieu selon les méthodes prescrites, quand bien même il se voit comprimé et se déroule de façon « synthétique ». Cela, car la forte charge émotive constituait le facteur essentiel du conflit naissant. Les conditions de la médiation étaient ainsi réunies puisque la question n’était ni purement juridique (le fait de ne pouvoir se rétracter constituant un argument que le vendeur pouvait opposer en cas de blocage, ce qui n’était pas le cas en l’espèce) ni technique. Ainsi, dans l’exemple vécu, d’entrée de jeu l’acheteur venu nous consulter a mis en évidence tous les éléments s’opposant à un dialogue constructif
- L’acheteur prête une intention négative au vendeur, considérant qu’il l’a berné : il lui a menti à propos de la garantie et sur l’effectif de l’entreprise.
- L’acheteur interprète négativement les faits. Il considérait que le vendeur a sciemment omis de préciser les caractéristiques des fenêtres, sachant sans doute qu’elles ne lui permettraient pas de bénéficier de la réduction d’impôts. Et il l’a trompé sur la qualité des fenêtres qu’il comptait lui installer.
- L’acheteur se sent contraint : le vendeur ne s’était engagé à rien (absence de réciprocité) alors que de son côté, il s’était engagé en signant le bon de commande et en versant un chèque d’acompte, se voyant tenu par l’impossibilité de se rétracter.
La seule issue acceptable pour l’acheteur consistait à rompre la relation contractuelle, qu’il savait impossible, mais qu’il voulait négocier quitte à sacrifier son acompte. La poursuite de la relation contractuelle en l’état était inacceptable pour l’acheteur. Mais ce souhait de rompre était mû par la charge émotive très forte (colère) et par la méfiance qui s’est installée à l’encontre du vendeur. La médiation lui a permis d’évacuer la charge émotive et de réfléchir à une solution acceptable, celle qui permettait de restaurer la confiance perdue, avant d’aller discuter avec le vendeur. Elle a permis à ce dernier d’aborder la situation dans une optique visant à rassurer son client, sans qu’il ne soit braqué, ouvrant ainsi à un dialogue constructif. Ce qui a permis d’aboutir à une solution mutuellement satisfaisante, et à rétablir la confiance perdue.
Exposer les motifs de l’inquiétude, dire la perte de confiance qu’ils ont induite et ce qui pourrait la restaurer, sans que l’émotion et la colère ne viennent obstruer le dialogue. Ce que le vendeur a parfaitement compris et admis. La notion de maladresse du vendeur et de la légitimité du point de vue du vendeur a joué ici un rôle crucial, l’acheteur révisant son prêt d’intention négatif à l’égard du vendeur en l’envisageant sous l’angle d’un malentendu et se sentant compris.
Les conditions de la poursuite de la relation étant réunies, le vendeur a même été au-delà de ce que pouvait attendre l’acheteur pour obtenir sa confiance et pour le rassurer en s’engageant expressément à lui rembourser 30% du prix de vente s’il n’obtenait pas la réduction fiscale à laquelle il avait droit. Dans le même esprit, il spécifia par écrit tous les arguments de vente mis en avant pour conclure cette dernière, à savoir la garantie de vingt-huit ans et les caractéristiques du produit permettant la réduction fiscale.
Conclusion sur la position du médiateur et le caractère structuré de la médiation : distanciation, impartialité et neutralité ont joué un rôle important dans l’instauration d’un climat de confiance des parties envers lui et entre elles. La structuration de l’entretien s’est réalisée de façon quasi inconsciente, mais elle a joué un rôle essentiel dans l’apaisement des émotions de l’interlocuteur bouillonnant qui le consulte. Les synthèses, les restitutions de sens par le médiateur même opérées de façon « légère », et la légitimation circonstanciée des points de vue, constituent des moyens incontournables pour instaurer et maintenir un dialogue constructif entre les parties dans le cadre d’une confiance retrouvée que le médiateur veille à maintenir.
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