PRODAS, pour développer un esprit de dialogue dans la société

Le développement de la médiation dans notre pays est-il entravé par une hostilité culturelle des français envers le dialogue et la concertation ? Le SYME a récemment proposé que la culture de la médiation figure parmi les objectifs des prochaines Semaines de la médiation. De nombreux médiateurs sont aujourd’hui convaincus que l'évolution de la médiation passera par le développement général d'un esprit ou d'une culture du dialogue dans la société. Reste à préciser toutefois comment arriver à ce développement.

Dans le domaine de l’éducation

Des actions qui vont dans le sens du développement d’une culture du dialogue commencent à se mettre en place : des cours d’empathie sont, depuis septembre 2024, proposés aux élèves de maternelle et d’élémentaire. Ces cours visent l’acquisition de compétences psychosociales ou CPS, définies comme un ensemble de compétences cognitives (connaître ses buts personnels, renforcer son attention), de compétences émotionnelles (identifier ses émotions, réguler ses émotions) et de compétences sociales (communiquer de façon efficace et positive, s’affirmer par le consentement et le refus). A cet égard, il est intéressant de consulter les kits pédagogiques d’Eduscol pour les séances d'empathie à l'école.

Cette approche en direction des plus jeunes se traduit par des résultats spectaculaires pour renforcer la confiance en eux des élèves, apaiser la relation des enseignants-élèves, et lutter contre le harcèlement. Elle aura des effets importants à moyen terme sur l’ensemble de la société.

Pour d'autres générations

Quelles actions complémentaires destinées aux autres générations sont-elles envisageables ? Ces actions pourraient, là encore, viser le développement de compétences psychosociales, dans les dimensions cognitives, émotionnelles et sociales définies ci-dessus. Une action de ce type est possible dans le cadre du Programme de développement affectif et social ou PRODAS.

Le programme à l’origine du PRODAS a été élaboré dans les années 60 aux USA sous le nom de ‘Human Development Program’ par un pédagogue, un psychologue et une enseignante. Il s’agissait à l’époque de la première méthode structurée de développement personnel et social pour des enfants et des adolescents. Après des phases d’expérimentation dans les pays francophones, le programme a formé des milliers de personnes qui ont à leur tour supervisé plusieurs dizaines de milliers d’enseignantes et d’enseignants, de la maternelle au lycée, au Québec, en Belgique, en Suisse et en France, notamment dans les régions du sud depuis 2005, à l’initiative du Planning familial. Le site PRODAS.fr mis en place par le Planning familial, avec le soutien de l’ARS PACA et de l’Académie d’Aix Marseille témoigne de ces résultats.

En Belgique, le même programme est également proposé aux adultes, et c’est cette approche qu’il nous semble intéressant de présenter ici, car elle nous fournit des pistes d’actions en direction du grand public. Le programme s’appuie sur des groupes de parole fonctionnant sur des règles destinées à garantir une communication authentique. Chaque cercle s’articule autour d’un thème en lien avec les facteurs de développement humain du programme. Il s’agit donc d’un programme d’éducation émotionnelle fondée sur la reconnaissance, l’identification et l’expression des sentiments et des besoins afin d’améliorer la conscience de soi, la réalisation de soi et l’interaction sociale, qui sont les trois facteurs de développement essentiels du programme. Il est conçu afin que chacun de ces facteurs soit travaillé de manière progressive.

PRODAS en quelques mots

Une formation est indispensable à tous ceux qui souhaitent pratiquer l’animation de cercles PRODAS. Cette animation suppose en effet la mise en place d’un cadre et de consignes qui ont été soigneusement établies par l’expérience. Il est toutefois possible d’évaluer l’intérêt du programme et de cette formation, en consultant un manuel de la méthode : L’Art de la rencontre, Une parole qui crée du lien et du sens, par Peggy Noordhoff-Snoeck et Anne Bernard, 75 pages, 2023 Edition Chronique Sociale à Lyon. Dans ce manuel figure, en exergue, cette profonde parole d’Albert Jacquart : 
Le souvenir des conflits d'hier contribue à provoquer ceux de demain. Il est temps d'échapper à ce cercle vicieux. Pour cela il faut apprendre que cet autre est pour nous une source. Notre effort doit être non de le combattre, mais de le rencontrer. Pour mettre un terme définitif aux guerres, la seule issue est de développer l'art de la rencontre.

Pour produire ses effets, le programme demande une certaine continuité, avec par exemple 10 séances collectives d’une heure et demie à deux heures. Une simple initiation, limitée à des exercices d’expression de soi et d’écoute des autres, est toutefois possible sur une seule séance. Une initiation de ce type pourrait être proposée dans le cadre de la Semaine de la médiation.

Une telle séance avec 10 personnes au maximum, permettrait de proposer, sur 2 heures, 5 unités de travail, appelées cercles de paroles. Au cours de chaque cercle de parole, les participants sont tout d’abord invités à verbaliser individuellement ce que leur évoque une proposition de l’animateur. Chaque fois que quelqu’un s’exprime, les autres sont à l’écoute. Lorsque chacun s’est exprimé, l’animateur demande à ceux qui le souhaitent de restituer ce qu’a dit chaque personne. Enfin dans une dernière phase, le groupe est invité à s’exprimer sur les points qui relient entre elles les prises de parole, et sur ceux qui, au contraire, les rendent uniques.

A titre d’exemple, lors d’une première séance, l’animateur pourrait proposer de travailler, dans 5 cercles de parole successifs, avec les propositions suivantes :

• Un moment où je me suis senti bien…
• Un jour j’étais énervé…
• Je vous parle d’un livre qui me touche…
• J’ai réussi à faire quelque chose de difficile…
• Je peux vous parler de mon prénom…

Le dispositif est très simple, mais chaque séance de ce type permet aux personnes impliquées de faire l’expérience de leur propre parole, de la parole des autres, de leur écoute et de celle des autres, de leurs liens aux autres, et des points qui les rendent uniques. C’est une expérience singulière, qui induit souvent de profonds changements de comportement, après un certain temps de pratique.

Un esprit spécifique

Une spécificité du PRODAS est qu’il n’annonce aucun objectif aux participants, parce qu’il est avant tout proposé comme une expérience à vivre. Ainsi, chacun est respecté dans ses propres objectifs, en fonction de ses besoins et de ses ressentis. L'animateur accueille la progression de chacun. Le participant choisit son chemin, il entre dans le cercle ou reste sur le côté, il entend et écoute les autres, et il participe à son rythme, quand il le souhaite.

Pour ceux qu’une telle intervention intéresse, je me tiens à votre disposition pour partager une ou plusieurs séances d’initiation au PRODAS.

Gisèle Nouaili-Pénot
Animatrice PRODAS, Paris

Photo Pexels - Ciro Palomba