De l'intelligence collective à la médiation en entreprise
Un entretien avec Thibaut Delacour – médiateur du travail, fondateur de Facilitandi . Propos recueillis par Nathalie Mauvieux, médiatrice du travail
Spécialiste de la conduite de travaux collectifs, juriste de formation, Thibaut Delacour accompagne et stimule l'intelligence collective au sein de tous types d'organisations. Il intervient principalement en tant que tiers indépendant pour aider à l'émergence et au déploiement de projets innovants, faciliter les projets complexes, pouvant impliquer de multiples acteurs, et permettre une gestion apaisée des conflits. À son propre compte depuis 2011 dans la continuité d’une expérience salariée d'une dizaine d'années en fédérations professionnelles puis dans une entreprise industrielle, il fonde le cabinet Facilitandi. Il se forme à la Médiation à Paris II en 2013 et complète la palette de missions de Facilitandi en devenant Médiateur. Thibaut Delacour définit la médiation au Travail comme s’adressant à l’ensemble des professionnels et des organisations, quelles qu’elles soient (entreprises, associations, syndicats professionnels). « Il peut s’agir de collaborateurs comme de partenaires au sein d’un réseau, ou encore de clients professionnels et de fournisseurs. » Son périmètre d’intervention en Médiation, concerne aussi bien l’intra que l’inter organisation.
Un positionnement original
Comme on devient rarement médiateur par hasard, Thibaut Delacour explique s’y être orienté parce que « j’adopte assez naturellement ce rôle de tiers permettant à chacun d’exprimer ce qu’il a à exprimer et de libérer la parole dans un cadre apaisé. Mais ce n’était pas suffisant. Ma formation initiale à la médiation et les formations ultérieures m’ont permis d’approfondir cette posture très particulière de médiateur. » Lorsqu’il est sollicité pour une question liée à un conflit ou à un problème de communication inter-personnelle, il prend le temps d’évaluer la situation, plutôt que de proposer une médiation comme seule réponse possible. Cette évaluation passe par un diagnostic, une phase d’écoute. Dans sa pratique, la médiation s’inscrit donc dans le cadre d’une approche globale, qui consiste à étudier les différentes options face à une sollicitation, et à faire du sur-mesure plutôt que du « prêt-à-médier ». Il explique que dans sa pratique, proposer une médiation peut intervenir très en amont, « dès la « zone vert orange » avant que les relations ne soient complètement détériorées, et pas seulement en « zone rouge vif. » »
Lorsqu’il propose une médiation, il s’agit alors d’une démarche exclusive, à l’exception de toute autre proposition de prestation. « Cette approche rassure sur le fait que j’interviens comme tiers indépendant, sans risque de versatilité et de changer mon fusil d’épaule si la médiation ne pouvait pas se faire. D’autres pistes peuvent être envisagées, mais ça ne pourra pas être avec moi. » Pour proposer sa palette de services, il évoque la prospection commerciale comme un incontournable : « Je martèle l’intérêt de la médiation, je contacte les décideurs potentiels. Je présente mes services, et, plus spécifiquement, la médiation. Je propose trois savoir-faire principaux - gérer un conflit, dépasser un cap, stimuler la créativité - et quatre types de services - facilitation, médiation, conseil, accompagnement de projet. La ligne directrice étant l’accompagnement de l’intelligence collective. »
Une méthodologie systémique
En termes de méthodologie, au début du dispositif de médiation, la priorité de Thibaut Delacour est de poser le cadre, et en particulier les principes de confidentialité, neutralité, impartialité et d’indépendance du médiateur, clairement explicités dans la convention avec le demandeur. Concernant le principe de confidentialité, il estime nécessaire de maintenir strictement la confidentialité des travaux afin de sécuriser le travail de médiation et garantir la qualité des échanges. L’entretien avec le responsable de l’organisation a également pour but de définir les modalités pratiques du processus. Les échanges sur ces points ne relèvent pas uniquement de l’organisation logistique, mais permettent de mieux cerner la culture de l’Entreprise ou de l’Organisation tout en garantissant la neutralité du processus. Une fois le dispositif cadré avec le responsable de l’organisation, Thibaut Delacour reçoit l’ensemble des parties prenantes en entretiens individuels ou semi-collectifs : les personnes concernées comme celles qui ne le sont pas directement mais qui peuvent jouer un rôle ou donner un éclairage sur les difficultés. Ces entretiens sont notamment réalisés dans une approche systémique pour comprendre « le système et les mécanismes de communication entre les différentes personnes. » Si elles sont possibles, les séances de médiation sont organisées sur 2 ou 3 heures, « généralement une médiation a lieu avec 2 ou 3 séances de 2h chacune », précise-t-il. Pendant la séance de médiation, Thibaut Delacour explique observer régulièrement « ce moment particulier où à la fois tout peut se produire et tout nous échappe, comme un point de bascule au cours duquel la catalyse se fait. C’est le moment où, tout à coup, une transformation s’opère. » A l’issue de la médiation, « le fait qu’il y ait accord ou pas n’est pas un critère de succès », explique-t-il. Car selon lui, le seul fait d’accepter d’entrer en médiation représente en tant que tel un facteur de réussite : « Dès lors que les personnes acceptent la médiation, le cadre, qu’elles s’engagent de manière responsable et adulte, il se passe quelque chose, et l’essentiel du travail est fait. Le succès est là si les personnes peuvent repartir ensemble sur un base plus saine, quitte à ne faire bouger le système que très légèrement par des petits pas, plutôt que par un accord trop ambitieux qui pourrait rester lettre morte. » Et ensuite ? Thibaut Delacour peut proposer, comme d’autres médiateurs, un entretien de suivi, mais de façon bornée dans le temps « pour ne pas entretenir le lien trop longtemps. »
Des recommandations
Sa conviction, c’est qu’il ne faut pas vendre de la médiation pour de la médiation, mais la proposer pour permettre aux personnes d’être en position de responsabilité, et de retrouver un dialogue vrai quelle que soit la situation. « La médiation n’est ni un rêve, ni un vernis, ni du développement personnel, mais un processus gagnant-gagnant entre des personnes qui acceptent de construire ensemble ». La restauration d’un dialogue contribue à réaffirmer le sens que chacun donne au travail, là où les incompréhensions creusaient des fossés de malentendus et de perte de repères.
Quel rôle pour le SYME selon Thibaut Delacour ? « L’approche du SYME est très intéressante, avec un positionnement que je recherchais depuis un moment. Il est important de porter le message de la professionnalisation de la Médiation. Parce que la Médiation est une profession à part entière. »
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