Les risques et les assurances du médiateur
La question des assurances est importante dans l'activité professionnelle du médiateur, et un médiateur est fréquemment amené à justifier de son assurance professionnelle. Mais c’est aussi un sujet sensible, qu’il nous a semblé important de clarifier. Pour cela, nous avons interrogé deux spécialistes de l’assurance (1), qui ont accepté de nous livrer quelques informations incontournables en la matière.
Quelques principes
En premier lieu, une assurance doit faire l’objet, de la part de son souscripteur, d’une analyse préalable des risques liés à son activité, et des moyens de s’en prémunir. Ce n’est qu’une fois cette réflexion menée qu’il peut commencer à évaluer les solutions d’assurance qui s’offrent à lui. Il existe différents produits d’assurance qui correspondent à une segmentation des types de risques :
• La RC Exploitation couvre les risques liés aux locaux et à leur utilisation (dégâts, accidents aux tiers)
• La RC Professionnelle couvre les risques liés à l’activité professionnelle spécifique
• La RC Dirigeant permet de couvrir ce dernier sur les questions relatives à sa fonction de dirigeant, tels son obligation de garantir la sécurité des collaborateurs, ou son exposition en cas de malversation
• Enfin la Protection Juridique permet d’être informé et de faire face lors des actions de tiers à l’encontre de la structure. Elle peut également intervenir en support lors de contrôles administratifs.
La démarche permettant d’obtenir un prix est similaire pour chacun des produits d’assurance. Mais la plus délicate est celle qui concerne la RC professionnelle, qui est propre à chaque activité. En effet, chaque profession présente des risques de nature et d’enjeux financiers spécifiques.
Etablir le prix de la RC professionnelle
Pour établir une cotation, le courtier évalue en premier lieu le profil d’activité. Il remplit un questionnaire lui permettant de cerner les risques associés au domaine considéré. Il consulte le site web de son client, ses documents commerciaux, voire des documents de travail, afin de mieux comprendre son activité. Le niveau de garantie de l’assurance sera établi en fonction des enjeux financiers qui sont apparus en regard de ces risques. Le prix de l’assurance étant croissant en fonction des niveaux de garantie, il faut bien entendu rechercher un niveau réaliste et éviter tout excès. Le courtier apprécie le sérieux de la démarche professionnelle de son interlocuteur et son aptitude à réduire ses risques.
Dans les systèmes d’assurance collective (associations, syndicats) les assureurs peuvent être enclins à accorder des conditions plus favorables à des organisations qui imposent des normes professionnelles et contrôlent les bonnes pratiques pour réduire les risques, ou à celles qui associent l’adhésion de leurs membres à leur assurance. Cette phase d’évaluation est évidemment d’autant plus délicate qu’il s’agit d’une activité émergente, sur laquelle, par définition, le recul sur les risques et l’historique d’incidents est réduit.
Une fois le cahier des charges de l’assurance établi, le courtier soumet un dossier à plusieurs assureurs et, en fonction de leurs réponses, propose à son prospect la cotation la plus adaptée.
Une rapide analyse des risques du médiateur
Pour appliquer à présent ces principes généraux à l’activité de médiation, il serait intéressant de se référer à un travail d’analyse des risques existant. Nos recherches sur la toile n’ont pas permis de mettre en évidence une publication d’un travail d’analyse sur ces risques - c’est une situation qui pourrait éveiller l’intérêt des étudiants et des chercheurs. Faute d’une telle référence exhaustive, nous avons sélectionné trois points de risque qui viennent spontanément à l’esprit en analysant l’activité du médiateur. Pour chacun nous indiquerons quelques approches possibles visant à réduire ce risque.
1. Défaut de confidentialité
Ce problème est commun à tous les médiateurs. La confidentialité est une des conditions essentielles d’un travail de médiation, car seule la confiance dans la confidentialité peut vraiment libérer la parole. Quand cette parole se libère, le médiateur devient dépositaire d’informations sensibles et chargées émotionnellement. Il doit donc rester vigilant, et éviter de se laisser déborder par l’impact des informations qu’il a reçues.
Une analyse de pratique régulière permet au médiateur de sécuriser ce qu’il fait de ce qu’il a entendu, et de progresser vers une réelle maitrise de la confidentialité.
2. Accidents sur les données personnelles
Ce point concerne plus particulièrement les médiations judiciaires. Dans le cadre de médiations judiciaires, les médiateurs reçoivent des juges des ordonnances dans lesquelles sont détaillées un nombre considérable d’informations personnelles. Ces documents sont sensibles, de même que les notes prises après les entretiens de médiation. Le risque est qu’après une effraction du local de médiation, ces documents puissent être divulgués. Le nouveau Règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD) précise les conditions de sécurité élevées applicables aux documents sensibles détenus électroniquement. Mais la détention physique des documents sensibles doit elle-aussi être soigneusement sécurisée.
En matière de sécurité, on distingue la sécurité passive, qui consiste à disposer d’accès sécurisés et d’armoires fortes, et la sécurité active, qui consiste à ne détenir que ce qui est strictement indispensable. Les centres de médiation doivent bien entendu bénéficier d’une sécurité d’accès suffisante. Mais la sécurité active du médiateur consiste à passer à la broyeuse, à la fin du processus, les documents sensibles utilisés dans cette médiation.
3. Accords de médiation
Ce point concerne plus particulièrement les médiateurs familiaux qui ne sont pas membres des professions juridiques réglementées. Nous nous référerons ici à l’article (2) dans l’AJ Famille de Pierrette Aufière « L’usage, la pratique des médiateurs, la demande des personnes, tout concourt à la rédaction d’un écrit à l’issue du processus de médiation familiale… Que le médiateur rédige intégralement ou non le document, sa présence et sa participation le cataloguent dans le statut de rédacteur d’acte juridique sous seing privé… réglementée par la loi du 31 décembre 1990 modifiée par la loi du 7 avril 1997… Le médiateur se doit de … bénéficier d’une assurance [RC professionnelle] au même titre que d’autres professionnels. »
Ayant développé cette idée, Me Bonnoure-Aufière souligne toutefois les risques d’une telle approche pour un non-juriste, avant de conclure : « Pourquoi ne pas simplement faire mention des options potentielles envisagées, laissant les suites spécifiques (juridiques ou non) à s’instaurer dans ‘l’après médiation’ ? L’hypothèse proposée est alors que l’écrit de la médiation familiale demeure au stade de l’engagement intentionnel : on se référerait à la conception juridique de l’intention de faire. » Il semble possible de rédiger un document qui, en aucun cas, ne pourra être assimilé à un acte sous seing privé, parce qu’il ne parle pas d’accords mais d’intentions, et qu’il renvoie la rédaction des actes proprement dits aux professionnels (avocats et notaires). Dans cette hypothèse, le risque lié à la rédaction d’accords de médiation devient marginal.
Poursuivre l’analyse des risques professionnels du médiateur
Ce premier tour d’horizon des assurances professionnelles du médiateur a mis en évidence deux points méconnus. Le premier tient à l’analyse des risques liés à l’activité du médiateur, qui est un préalable logique à la souscription d’une assurance. A l’évidence cette analyse, si elle a été entreprise, doit être complétée. Nous nous sommes donc contentés d’évoquer trois facteurs de risques, la confidentialité, la protection des informations et les écrits de médiation. Nous attendons à présent de nos lecteurs qu’ils indiquent quels sont les facteurs de risques complémentaires qui leur semblent pertinents.
Le second tient aux principes organisationnels propres à réduire ces risques. Sur nos trois exemples nous avons développé qu’il existe des moyens simples et efficaces pour agir. Au fur et à mesure du développement de l’analyse des risques nous nous attacherons ainsi à proposer toutes les pratiques professionnelles qui permettent de réduire ces risques. Si elles sont pertinentes, ces pratiques pourraient devenir des recommandations, des standards de bon comportement pour les médiateurs.
Toutes ces analyses doivent également être nourries d’expériences réelles. En effet c’est au travers des incidents, voire des accidents, que l’on apprend le plus en matière de risques. Il semble donc indispensable de collecter les incidents dont sont victimes les médiateurs. Vous avez la parole pour nous faire part de ceux dont vous avez connaissance.
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1. Jean-Louis Chavoillon, courtier d’assurances à Toulouse, associé du groupe France-Courtage, et Joël Brunelle, directeur CFDP Assurances et médiateur
2. Pierrette Bonnoure-Aufière AJ Famille Dalloz - mai 2003 : L’écrit des accords en médiation familiale : de l’intention à l’action (en pièce jointe).
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