L’audition d’enfants et la médiation familiale
Tribune libre
La Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE) du 20 novembre 1989, a posé le principe selon lequel l'enfant qui est capable de discernement a le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. Le règlement de Bruxelles II Ter du 25 juin 2019 entré en vigueur en France le 1er août 2022 reconnaît à l’enfant le droit d’exprimer son opinion et précise que le juge qui donne à l’enfant la possibilité d’exprimer son opinion doit la prendre dûment en compte.
En droit interne, l’article 388-1 du code civil prévoit que le mineur capable de discernement peut être entendu par le juge ou lorsque son intérêt le commande par la personne désignée par le juge à cet effet. L’audition de l’enfant est de droit lorsque l’enfant en fait la demande. L’article 371-1 du même code relatif à l’autorité parentale dispose qu’il appartient aux parents d’associer l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. L’audition de l’enfant peut être judicaire ou amiable.
L’audition par le juge ou sur délégation n’est pas sans inconvénient, notamment parce que l’auditeur doit rédiger un rapport écrit qui sera communiqué aux parties en application du principe du contradictoire. Ce rapport, pièce de procédure, risque de faire peser sur l’enfant le poids de la parole d’un moment, qui restera figée par la décision judiciaire. L’audition amiable de l’enfant le protège mieux.
La parole de l'enfant recueillie dans le cadre de la médiation des parents le sera dans un espace bienveillant et restera totalement confidentielle. Elle peut être une aide précieuse à la décision des parents. Les médiateurs ont toute leur place dans ce processus d’audition des enfants. Il leur appartient d’informer les parents que l’enfant « doué de discernement » a le droit d’être entendu lorsque leur médiation porte sur des sujets le concernant (résidence, droit de visite et d'hébergement, école, loisirs, etc.). Ils peuvent les préparer à recueillir le souhait de l’enfant d’être entendu, car il faudra que l’enfant accepte de donner son opinion et que les parents l’y autorisent.
Certains médiateurs des parents procèdent eux-mêmes à l’audition des enfants. Certains veillent à ce que l’enfant n’entre pas dans l’espace de médiation et recueillent sa parole dans un entretien avec l’enfant seul. Ils vont ensuite eux-mêmes rapporter aux parents ce que l’enfant souhaite leur transmettre. D’autres laissent les enfants rapporter leur opinion à l’occasion d’un entretien de médiation avec les parents.
L’audition de l’enfant par le médiateur des parents suppose qu’il ait reçu une formation solide, garantissant que l’enfant soit bien protégé.
Il existe une autre pratique permettant de laisser autant que possible l’enfant en dehors du conflit parental. Dans ce cas, l’audition est réalisée par un tiers compétent, neutre, impartial et sans pouvoir décisionnel ou consultatif qui n’est pas le médiateur des parents : c’est un simple auditeur. Après avoir recueilli l’accord écrit des parents, il informe l’enfant de ses droits, l’écoute et recueille sa parole de la façon la plus objective possible sans parti pris, ni a priori, à l’abri de toutes influences ou suggestions à son égard. La restitution se fera, avec ou sans l’enfant comme il le souhaite, verbalement et confidentiellement dans la médiation des parents.
Dans ce processus l’enfant reste extérieur à la médiation des parents, l’auditeur ne connaît rien ou peu du conflit des parents ce qui lui permet de n’avoir aucune arrière-pensée sur la situation. Ce processus paraît mieux protéger l’enfant.
Dans tous les cas, le recueil de la parole des enfants présente un danger, laissant la porte ouverte à son instrumentalisation. C’est en raison de ces risques dont il sera au bout du compte la victime, qu’il a paru indispensable de créer un cadre, et une déontologie et de former ce qu’on a décidé d’appeler des auditeurs.
Un Diplôme Universitaire d’auditeur d’enfants a été créée au sein de l’Université Catholique de Lille par des professionnels de la famille, professeurs de droit, avocats, psychologues, sociologues et médiateurs familiaux. D’autres formations plus courtes ont été mises en place (ENM, gendarmerie, IDFP, Ligue de la santé mentale). Par ailleurs, il existe deux associations d’auditeurs d’enfants : CLIA Association Internationale des Auditeurs d’Enfants et LANAE Association Nationale des Auditeurs d'Enfants.
Ces associations ont élaboré un code de déontologie, un règlement intérieur et un processus afin d’encadrer au mieux l’activité dans l’intérêt de l’enfant. Elles exigent de leurs membres une formation sérieuse et pour LANAE un diplôme universitaire d’auditeur d’enfants.
Les médiateurs familiaux ont toute leur place dans ce processus, d’abord en informant les parents du droit de l’enfant d’être entendu, et en les aidant à rechercher comment préparer l’enfant et recueillir son consentement. Ils ont également toute leur place pour procéder à l’audition d’enfants, après une formation sérieuse et spécifique et notamment après l’obtention du diplôme universitaire.
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