La médiation familiale payante, quelle idée !...
L’importance du paiement de la séance par les participants a été mise en évidence par un travail exploratoire auprès de la communauté des médiateurs familiaux. Le paiement possède une double fonction : il professionnalise le médiateur et responsabilise le client.
Payer la médiation familiale illustre la motivation de la personne à participer à la médiation familiale. « Le paiement est le symbole de la part de soi-même que l’on est capable de donner ». C’est le gage de l’engagement volontaire du participant, sans lequel la médiation familiale ne peut aboutir.
Les participants peuvent être réticents à investir financièrement dans la médiation, cela ne représente souvent que la partie émergée de l’iceberg. Le médiateur questionne la profondeur de leur consentement à la médiation familiale. Les participations financières ne constituent que rarement une barrière à la médiation. Un refus de payer cache souvent une incapacité psychique à s’engager, en raison éventuellement d’une souffrance trop importante.
Les participants donnent du temps et de l’énergie en séance de médiation en faisant le pari d’un avenir plus serein ou qui leur convient mieux. L’argent versé pour la séance de médiation matérialise ces différents investissements. C’est en payant que les participants s’engagent plus authentiquement en médiation et deviennent acteur du processus car ils en attendent un retour sur investissement.
Payer comporte aussi comme fonction d’inscrire le participant dans le réel, de l’amener à prendre conscience de l’impossibilité de diriger sa vie suivant le principe de plaisir et d’engager une dynamique de changement. « Le fait de payer [la médiation familiale] sous-entend pour chacun un besoin d’efficacité qui oblige à une mise en route personnelle » (Marguerite CLEMENT, « Coût et valeur de la médiation », Revue Tiers, l’argent en médiation, nov. 2011.) L’introduction de l’argent dans un tel espace contenant permet ainsi l’intégration du monde réel dans le travail effectué.
La médiation familiale se doit également d’être payante pour assurer la posture de professionnel : en les faisant payer pour ce service, les participants deviennent des clients et le médiateur, ni un ami, ni un membre de la communauté mais un professionnel. La professionnalisation de l’activité de médiation familiale protège le médiateur familial dans l’exercice de sa fonction d’autant plus qu’il travaille avec son propre psychisme et éteint toute potentialité de dette.
En l’absence de coût financier, une dépendance des participants au médiateur peut voir le jour pour régler leurs désaccords, ce qui serait être en contradiction avec les principes d’autonomisation et de responsabilisation portés par la médiation familiale.
De la même façon, la gratuité peut amener les participants à idéaliser le médiateur qui donnerait de sa compétence personnelle et entrainer une dévaluation de soi, de ses propres compétences à gérer le désaccord au sein de ses relations familiales, aux antipodes de l’esprit d’empowerment soutenant la médiation familiale.
Certains médiateurs familiaux défendent l’intérêt du don anonyme opéré par l’Etat providence, moins humiliant que la donation directe des particuliers puisque les participants ne deviennent les obligés de personne. Ainsi, les subventions CAF prennent tout leur sens dans cet effacement de dette.
Mais est-ce que le fait de ne pas faire payer les participants n’aurait pas pour conséquence de les infantiliser et d’inscrire symboliquement le médiateur dans la fonction parentale ? De la même manière que saisir gratuitement la justice pour que ce soit le juge qui tranche, ne peut-on pas rentrer en médiation pour se faire porter par le processus ? Si cela ne « coûte » rien, si cela ne nécessite pas d’efforts (psychiques et/ou financiers), n’est-ce pas laisser les personnes à l’état d’être passifs, dépendants d’une « autorité » qui les guide voire leur donne la solution ?
La médiation familiale se présente comme une alternative à la voie judiciaire qui impose ses décisions aux personnes. La médiation peut permettre aux personnes de créer leur propre solution au conflit sans subir les normes judiciaires. C’est une manière de s’émanciper de la mère patrie et du père justice dans le domaine de la vie intime.
En médiation familiale, payer permet de reprendre du pouvoir sur sa vie, sur ses liens et sur ses relations. Payer pour s’individuer. Chaque participant paie pour sa participation. Chacun a donc une voix et peut parler pour lui. C’est parfois la première expérimentation de la prise d’autonomie pour certains qui ont du mal en début de médiation à se détacher du « nous ».
C’est toujours intéressant à questionner lorsque la personne souhaite payer pour tous les participants. Quel pouvoir souhaite-t-elle obtenir sur les autres ?
Le paiement de la médiation familiale rééquilibre les forces en présence. Le paiement vient remettre les participants et le médiateur à égalité, dans un rapport horizontal.
Payer oui mais payer combien ?
Les participations financières inférieures au coût réel de la médiation familiale produisent elles le même effet ?
Que vient dire du service de médiation familiale le fait de payer 2€ ou même 30 € pour une séance de médiation d’1h30 ?
Peut-on exiger un service de qualité en payant un prix artificiel, sans lien aucun avec les investissements du professionnel ?
Le SYME aide les médiateurs à construire leur identité professionnelle en travaillant de concert sur l’épineuse question du « juste montant » de la médiation familiale qui permettrait d’être suffisamment rémunérateur pour le médiateur au regard de ses investissements de professionnel tout en restant accessible au plus grand nombre.
Marion Fayel, DEMF
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