Atlas CNAF 2023 : la médiation familiale conventionnée est-elle en panne ?
Au cours des années 2010, la médiation familiale conventionnée a connu une croissance régulière, supérieure à 5% par an, grâce au dispositif de financement mis en place par les CAF, la Justice et les collectivités territoriales. L’Atlas de la médiation familiale publié chaque année par la CNAF permet de suivre de façon particulièrement précise la situation de la médiation familiale en France. Son édition 2023 vient de paraitre. Elle comporte, comme chaque année, une présentation détaillée des activités des services de médiation familiale dits conventionnés, qui sont financés par les différentes CAF départementales. Il nous semble important de présenter ici quelques-unes des informations-clés de cet Atlas 2023, et de les analyser.
Chiffres-clés et progression de l’activité
Les services de médiation familiale conventionnés par les CAF sont, en 2023 au nombre de 277 et emploient 493 ETP, répartis sur 816 médiateurs. Ils ont tenu 14 997 réunions d’information collective, 96 519 entretiens d’information préalable et 54 391 séances de médiation familiale, et ont permis de terminer 22 809 médiations. A noter que sur 22 809 médiations terminées, 17 754, soit 78%, concernent les séparations et divorces.
Si on regarde ces chiffres sur 10 ans, entre les années 2014 à 2023, on constate en premier lieu que le nombre d’ETP de médiateurs, passé de 301 à 493 ETP, a augmenté en moyenne de 5.6% par an, et que le financement CAF, passé de 14.1 à 29.6 M€, a augmenté en moyenne de 8.6% par an. La différence entre ces progressions semble explicable par l’inflation.
L’activité des services, mesurée au moyen du nombre d’entretiens (informations collectives, entretiens préalables et séances de médiation familiale) fait apparaître une croissance de 7.1% entre 2014 et 2018, suivie d'une stabilité depuis 2018, le nombre total de ces actions restant compris entre 160 et 170 000, si on excepte la baisse observée en 2020 du fait du COVID.
Si on s’intéresse enfin aux médiations réalisées par ces services, on constate là-aussi une vive croissance des médiations terminées de 6.7% entre 2014 et 2018, puis une stabilité de ce nombre, qui reste depuis 2018 (sauf pour 2020) compris entre 22 et 24 000 par an. La conséquence de cette stabilité du nombre de médiations terminées est toutefois que le financement total rapporté à ces médiations terminées progresse au rythme moyen de 5.3% par an, atteignant 1 731 € en moyenne par médiation en 2023, contre 1 036 € en 2014.
De cette analyse sur 10 ans, il ressort que la médiation familiale conventionnée, en progression vigoureuse entre 2014 et 2018, connaît depuis 2018 une stagnation de l’activité, qui s’accompagne d’une augmentation des coûts moyens des médiations. Il semble donc légitime de s'interroger, tant sur les causes du blocage des volumes de médiation familiale conventionnée, que sur l'évolution de ses coût unitaires.
L’impact de la médiation familiale
Selon le Haut conseil de la famille, il y a en France chaque année 425 000 séparations conjugales qui concernent 380 000 enfants mineurs, et environ 60 000 contentieux liés aux modifications des dispositions prises lors d'une séparation, qui concernent 100 000 enfants mineurs supplémentaires. Les situations vécues par les familles ont un impact avéré sur le développement des enfants et à terme sur la délinquance. Cet impact peut toutefois être atténué par le maintien d'une communication et d’une relation régulière et non-conflictuelle entre parents, comme le préconise à la fois la loi de 2002 sur l’autorité parentale conjointe et la convention internationale des droits de l’enfant.
La médiation familiale a précisément pour objet et effet de favoriser le rétablissement d’une relation parentale endommagée par une séparation, et de prévenir ainsi des complications immédiates ou futures. Ainsi, le dispositif de médiation familiale conventionnée traite, en 2023, 17 745 médiations autour des questions de séparation et de modifications familiales, soit 3.7% des 485 000 événements annuels de ce type. Si toutes les séparations ne sont pas conflictuelles, un grand nombre peut l’être, et traiter 3.7% d’un tel besoin sociétal ne peut être considéré comme satisfaisant, notamment si ce chiffre ne connait plus de croissance depuis 6 ans…
Pour expliquer un recours aussi faible à la médiation familiale, on peut certes risquer deux hypothèses. La première, bien sûr, serait une méconnaissance générale de l’activité de médiation dans la population. La seconde serait que la médiation familiale vise l’instauration d’un dialogue parental, au moment précis où les couples sont en pleine rupture, et qu’elle exige du temps, de l’argent et un réel effort de la part de chaque parent. Quelles que soient les causes, il est clair qu'une incitation toute particulière à la médiation familiale est absolument nécessaire. Il semble en effet préférable d'éviter que les parents concernés passent à côté de ce dispositif, avec des conséquences possibles à moyen et long terme pour leurs enfants. Il s’agit donc d’une importante question sociale et de communication.
Si la médiation familiale constitue une réponse adaptée, il serait logique de lui donner un objectif plus ambitieux, tel que, par exemple, de traiter d’ici à 10 ans en médiation 25% des situations de rupture et de modifications des dispositions familiales. Un tel objectif supposerait de réaliser 120.000 médiations familiales par an et d’employer à cette tâche plus de 2 000 ETP de médiateurs familiaux. Certes, passer à 120.000 médiations familiales annuelles en 10 ans supposerait une croissance de 18% par an, donc une action très coordonnée, avec une profonde révision des conditions d'exercice de la médiation familiale...
A l'évidence, ce sujet sensible justifie un travail complémentaire d'analyse et de réflexion sur les solutions possibles. Pour plus d'efficacité, il semble judicieux qu'il soit mené de façon pluridisciplinaire, en mobilise médiateurs, sociologues, juristes et bien sûr financeurs. Quant aux avis qui résulteront de ces analyses, ils devront à l'évidence être soumis à la classe politique.
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