Quels indicateurs de qualité pour la médiation
judiciaire ?
La Justice marque un intérêt croissant pour la médiation, et les juges en sont d’importants prescripteurs. Leur souci, si nous le comprenons bien, semble à la fois d’améliorer qualitativement le processus judiciaire, et d’obtenir, dans un nombre croissant de cas, la simplification voire la résolution des litiges. La Justice pose donc de légitimes questions sur deux points : l’effet qualitatif de la médiation et la compétence des médiateur(e)s. Pour apporter à ces questions des réponses satisfaisantes, une réflexion sur des indicateurs de qualité applicables à la médiation et aux médiateur(e)s semble nécessaire. Cette réflexion doit être suffisamment aboutie et partagée pour faire l’objet d’un consensus.
Un taux de réussite en médiation ?
Est-il approprié de qualifier les médiateur(e)s en fonction de leur ‘taux de réussite’ en médiation, c’est-à-dire de la proportion de dossiers qu’ils traitent et qui sont conclus par un accord ? Parler de taux de réussite revient à assigner aux médiateur(e)s une sorte d’obligation de résultat. Or les médiateur(e)s préfèrent défendre une obligation de moyens. La médiation traite en effet des conflits entre des personnes, et elle se justifie tout particulièrement quand il existe un enjeu relationnel entre ces personnes – les conflits pour lesquels l’enjeu relationnel est plus faible concernent davantage la négociation ou la conciliation. En médiation, donc dans les cas où il existe un certain enjeu relationnel, le conflit est plus large que le litige, qui est sa traduction judiciaire. La médiation n’a alors pas pour objet principal la solution au litige. Elle est avant tout un travail sur la qualité de la communication et de la relation entre les personnes, dans un but d’apaisement du conflit. La solution qui traitera le litige est une conséquence de l’apaisement éventuellement obtenu en médiation.
De nombreux facteurs externes aux médiateur(e)s conditionnent la progression d’une médiation vers l’apaisement du conflit : en premier lieu l’engagement et la motivation des personnes, leur désir de retraverser les difficultés pour trouver ensemble comment sortir du conflit par le haut pour chacune. A l’inverse, tout(e) médiateur(e) expérimenté sait repérer les situations où l’intercompréhension des personnes semble inenvisageable à court terme. Certaines personnes ont, pour des raisons personnelles très diverses, plus de mal que d’autres à envisager le travail en médiation, voire en sont incapables. Autre facteur externe, l'ancienneté et le niveau du conflit. Il est notoire que les conflits qui ont connu un long parcours judiciaire sont plus difficiles à traiter en médiation que ceux qui sont plus récents ou concernent la médiation conventionnelle. Aussi le temps nécessaire à l’apaisement d’un conflit et à la reprise d’un dialogue est très variable, et conduit inévitablement à un certain nombre d’échecs en médiation judiciaire. Réduire cette variété de situations à un taux d’accords écrits obtenus sur une période donnée ne correspond donc que de façon très imparfaite à la réalité de la médiation. Cet indicateur sera mal corrélé avec la compétence du (de la) médiateur(e)s.
Elaborer collectivement des indicateurs qualitatifs
Est-ce qu'on demande à un médecin, à un psychothérapeute ou à un professionnel du soin quel est son taux de réussite ? Leur réussite dépend également de nombreux facteurs externes, sans que leur impact social et leur compétence ne soient mis en cause. Si l’intérêt de la médiation et la compétence des médiateur(e)s peuvent difficilement être mesurés par un taux de réussite, quels seraient les alternatives ? Pour un syndicat professionnel comme le SYME, c’est une question importante, qui dépasse le champ judiciaire, et mérite une réflexion multipartite. Dans un premier temps, nous allons donc nous borner à proposer ici quelques pistes de réflexion, en invitant nos lecteurs, qu’ils soient médiateur(e)s, magistrats, autres prescripteurs, chercheurs, à nous faire part de leurs avis dans les commentaires de cet article.
Pour mesurer le bénéfice de la médiation, chaque médiateur(e) pourrait par exemple proposer, aux usagers de la médiation qu’il a rencontrés, une courte enquête portant notamment sur deux questions clés : (1) leur sentiment d’avoir pu s’exprimer et d’avoir été entendu, (2) leur regard quant aux changements apportés à la situation. Ces enquêtes pourraient faire l’objet d’un travail sociologique, permettant de les évaluer de façon scientifique, en fonction des éléments de contexte appropriés.
Quant à la qualité et à la compétence des médiateur(e)s, le Livre Blanc de Médiation 21 en définit un certain nombre de critères, telles que la durée de la formation initiale, l'acceptation du Code de déontologie, un minimum de médiations menées, la régularité des formations continues et de l’analyse des pratiques. Ces points pourraient donner lieu à une Qualification des médiateur(e)s. Ils constituent des exigences minimales. Ils ne sont pas de véritables indicateurs de leur compétence, si tant est que la compétence puisse être mesurée… Peut-être devrons-nous nous contenter, faute de mieux, de proposer de corréler la compétence du (de la) médiateur(e) avec ses heures de pratique, mesurées au moyen des durées des entretiens menés dans le cadre de leurs médiations, et des séances d’analyse de pratique suivies face à leurs pairs.
Catherine-Sophie Dimitroulias, Marc Jourdan, Laurence Hanin-Jamot,
Nathalie Mauvieux, Jean-François Pellerin, Jean Rooy.
Les idées exprimées dans cet article n'engagent que leurs auteur.es
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