Martin Oudin - un point sur les écrits en médiation
Nous vous présentons ici une transcription de l'intervention de Martin Oudin sur le thème des Ecrits en médiation, en marge de l'Assemblée générale du SYME, le 12 avril 2023. Martin Oudin est maitre de conférence hdr en droit privé à l'Université de Tours.
Introduction
On m’a demandé d’intervenir sur la rédaction des accords de médiation, à la suite d’un article que j’ai publié dans « La médiation en entreprise, affirmation d’un modèle », ouvrage collectif paru en septembre 2022 aux éditions Médias & Médiations. Cet article était parti d’un double constat : 1) la structuration en cours de l’activité de médiation et l’accroissement des responsabilités des médiateurs qui va peut-être en découler. 2) La grande diversité dans les pratiques des médiateurs s’agissant de l’accord final : certains rédigent sans difficulté cet accord, d’autres considèrent que ça leur est purement et simplement interdit. J’ai donc eu envie de tenter d’y voir plus clair.
Si l'on consulte la littérature en la matière, elle est, elle aussi, étonnante : un certain nombre d’articles et de livres expliquent que le médiateur ne doit pas laisser les parties sans un accord en bonne et due forme ; d’autres qu’il n’est pas question pour le médiateur de rédiger un quelconque écrit. Essayons de voir sur quoi ces affirmations reposent.
Il y a un certain nombre de règles, de principes, qui me semblent incontestables. Je commencerai par les rappeler (1). Mais il y a, aussi, beaucoup de zones d’ombre, de pratiques dont la régularité est questionnable. J’en évoquerai certaines (2). Enfin, j’essaierai d’imaginer ce qui pourrait être proposé aux pouvoirs publics ou au législateur dans le cadre d’une évolution du cadre réglementaire de la médiation (3).
(1) Les zones de certitude/de sécurité
La rédaction de l’accord par le médiateur
Le médiateur peut-il rédiger lui-même l’accord final ?
Si l’accord final crée des obligations pour les médiés, alors c’est un contrat. Et peu importe sa forme précise. Définition du contrat dans le code civil : « Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations » (art. 1101). Si ce contrat fait l’objet d’un écrit signé par les parties, on est en présence d’un acte juridique sous seing privé, c’est-à-dire sous signatures privées (nouvelle terminologie employée dans le code civil mais d’autres textes comme la loi de 1971 n’ont pas été modifiés).
Les médiés peuvent tout à fait, sans l’aide de personne, conclure un accord et rédiger un acte sous seing privé. Cet écrit fait foi entre elles de ce qui est écrit (art. 1372), à condition tout de même que les parties aient établi un exemplaire original pour chacune d’elles (formalité du « double », art. 1375).
En revanche, la loi limite strictement les personnes habilitées à rédiger cet acte sous seing privé pour le compte d’autrui. Plus précisément, il s’agit de la loi du 31 décembre 1971 (article 54 et s.). Cette loi est assez complexe et a été plusieurs fois modifiée. Elle a initialement pour objet d’organiser le « monopole des avocats ». Les avocats ont un monopole pour assister et représenter les parties en justice. Et ils ont un quasi-monopole pour les activités de consultation juridique et de rédaction des actes sous seing privé.
Pourquoi ce quasi-monopole ? Parce qu’un certain nombre d’autres professions ont été habilitées, à certaines conditions, à rédiger pour autrui des actes juridiques. C’est le cas par exemple des notaires, des huissiers de justice ou d’un certain nombre de professions réglementées (par exemple : assureurs). Il faut donc d’abord appartenir à une profession dont l’activité permet la rédaction d’acte. De plus, la loi de 1971 impose aux rédacteurs des conditions de compétence juridique. C’est-à-dire soit une licence en droit, soit une qualification définie par décret ou arrêté. Enfin, en tout état de cause, le rédacteur d’acte doit bénéficier d’une assurance couvrant spécifiquement cette activité (art. 55 L. 71).
Aujourd’hui, il y a sans doute peu de médiateurs qui peuvent satisfaire aux conditions posées par la loi de 1971. Or, quiconque rédige des actes en violation de cette loi encourt une lourde sanction pénale : 15 000 euros d’amende et un an d’emprisonnement (art. 66-2). En général, ce sont les Conseils de l’ordre des avocats qui agissent pour faire condamner ceux qui violent leur quasi-monopole. Aujourd’hui, les médiateurs ne semblent pas (encore) dans leur collimateur, mais on ne sait pas de quoi demain sera fait. Il y a donc là un risque pénal élevé. Pour certains, c’est un obstacle absolu à la rédaction de tout accord final par le médiateur.
En dehors de la responsabilité pénale, celui qui rédige un acte juridique pour autrui peut engager sa responsabilité civile. En effet, les rédacteurs d'actes sont tenus d'une obligation de conseil envers les parties et doivent s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'ils confectionnent. Cette obligation de conseil et d’efficacité est affirmée par plusieurs textes spécifiques (i.e. pour certaines professions) et par plusieurs arrêts de la Cour de cassation, dont certains ont une portée très générale (ex. Cass. com., 16 nov. 1999, n° 97-14.280).
Rédiger un contrat dans un contexte conflictuel n’est pas une chose simple. Les parties vont faire des concessions, assumer des obligations nouvelles, renoncer à exercer certains droits… Le médiateur doit être certain que les parties ont bien le droit de s’obliger ou de renoncer ainsi. Or, elles n’en ont pas toujours le droit : certains droits, en particulier en droit du travail ou en droit de la famille sont des droits indisponibles – on ne peut pas en disposer, i.e. y renoncer ou même parfois les aménager. Et la loi de 1995 précise bien que l’accord de médiation « ne peut porter atteinte à des droits dont elles n'ont pas la libre disposition » (art. 21-4). Ce devoir de conseil est donc exigeant et assorti d’une responsabilité qui peut être lourde. C’est d’ailleurs pourquoi, comme on l’a vu, la loi de 1971 exige que le rédacteur d’acte soit assuré.
Est-ce vraiment un terrain sur lequel le médiateur doit s’aventurer ? Les assureurs accepteraient-ils de couvrir ce risque ? D’ailleurs, est-ce que cela ne fait pas sortir le médiateur de sa mission ?
Dernière précision/tempérament : ce qui est interdit, c’est de rédiger un document individualisé, adapté à la situation spécifique. Il n’est pas interdit en revanche de fournir aux médiés des modèles, des contrats-type (ex. Cass. 1ère civ., 15 juin 1999, n° 96-21.415). Il n’est pas certain toutefois que cela serve à grand-chose en médiation.
En résumé sur ce premier point, on voit que les conditions pour pouvoir rédiger un accord de médiation sont très strictes et qu'il y a, à la clef, un risque important de responsabilité.
La signature de l’accord par le médiateur
Le médiateur peut-il signer l’accord ?
Il est plus facile de répondre à cette question. A mon sens, le médiateur ne doit surtout pas signer un quelconque accord. Pourquoi ? Parce qu’il y aurait là encore un risque important et difficile à maîtriser pour le médiateur. En principe, la signature d’un acte juridique manifeste le consentement de celui qui signe aux obligations qui découlent de l’acte (article 1367 C. civ.).
Dans certains cas, la loi prévoit une signature qui a une autre signification : par exemple, la signature du notaire donne un « caractère authentique » à l’acte (même article 1367) ; la signature de l’avocat donne à un acte plus de sécurité et une plus grande force probante (article 1374 C. civ.).
Aucune règle particulière ne prévoit la signature par le médiateur. Par conséquent, la valeur de cette signature est a priori inconnue. Ce sont les tribunaux qui en décideront. Il est assez probable qu’ils considéreront que le médiateur, quand il a signé, a entendu donner une forme d’approbation à l’accord. Approbation de la licéité de l’accord, peut-être de son caractère équilibré pour les médiés. Ça ne pourrait qu’aggraver une éventuelle responsabilité du médiateur. Les parties font d’autant plus confiance au médiateur qu’il signe l’accord final. Et c’est bien cette confiance du client qui est à la source de la responsabilité du professionnel.
Questions particulières
En médiation judiciaire, on pourrait penser que le caractère judiciaire de la médiation change la donne. Puisque le médiateur est mandaté (désigné) par le juge, il devrait avoir une autorité suffisante pour rédiger un accord final … sans qu’on lui reproche un exercice illégal de la profession d’avocat. Pourtant, la loi ne lui donne à aucun moment cette autorité. Mieux, le décret 2022-245 du 25 février 2022 a retiré au médiateur judiciaire le peu de pouvoir qu’il semblait avoir. Avant ce décret, l’article 134-12 du CPC prévoyait que « A tout moment, les parties, ou la plus diligente d'entre elles, peuvent soumettre à l'homologation du juge le constat d'accord établi par le médiateur de justice. »
Mais beaucoup avaient relevé que le médiateur ne devait justement pas tenir ce rôle. Un rapport de mars 2021 de la Cour d’appel de Paris, sur lequel le décret de 2022 s’est largement appuyé, est très clair en ce sens. Conséquence : aujourd’hui, le même article 134-12 énonce que « A tout moment, les parties, ou la plus diligente d'entre elles, peuvent soumettre à l'homologation du juge l'accord issu de la médiation. » Disparu le « médiateur de justice ». Disparu aussi le « constat d’accord » établi par le médiateur. En définitive, quand la médiation est judiciaire, le médiateur est logé à la même enseigne que dans la médiation conventionnelle. Mêmes limites, mêmes risques … même prudence.
En médiation familiale, je voudrais simplement ici évoquer un outil sur lequel le médiateur peut s’appuyer : le formulaire de convention parentale. A ma connaissance, il existe deux formulaires officiels : celui du ministère de la justice (disponible sur service-public.fr) et celui de la CAF (sur le site de la CAF). Il existe aussi des formulaires en ligne proposés par des sociétés privées – ex. Wonder.legal.
Je ne parlerai ici que du formulaire du ministère de la justice. Il a un objet et une raison d’être bien précis. L’objet : l’exercice de l’autorité parentale et la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. La raison d’être : la loi autorise les parents à se mettre d’accord sur ces questions, à la condition de faire homologuer leur accord par le juge aux affaires familiales (Art. 373-2-7 C. civ. et 1143 CPC). Pour aider les parents à mettre leur accord par écrit, on leur fournit donc un formulaire avec des rubriques préétablies. Le juge contrôlera ensuite sa régularité et la conformité de l’accord à l’intérêt de l’enfant. Ce formulaire peut être librement utilisé par les parents et le médiateur. Celui-ci ne devient pas rédacteur d’acte s’il ne modifie pas le modèle proposé. Ça lui laisse donc, d’une certaine manière, la possibilité de laisser un écrit. Mais, je le répète, l’objet et le contenu du formulaire est limité.
Depuis 2018, le directeur de la CAF est lui aussi autorisé à donner force exécutoire aux accords amiables des parents, mais 1) cela ne concerne que les concubins et pacsés et 2) seule la contribution à l’entretien et à l’éducation est visée (art. L 582-2 C. Sécu Soc.). C’est donc beaucoup plus limité. Le formulaire proposé par la CAF évoque aussi l’exercice de l’autorité parentale (parce que la pension alimentaire dépend évidemment de la résidence de l’enfant). Mais il n’a en lui-même aucune force obligatoire à cet égard : il faudra de toute façon une homologation par le JAF.
On voit donc que les « zones de certitude » sont surtout des zones d’inaptitude du médiateur. Les seules évidences concernent des interdictions ou des limitations qui lui sont imposées. Ce qui explique, comme je l’ai déjà dit, que certains soient si catégoriques : « le médiateur doit absolument s’abstenir ».
Est-ce qu’il n’y a pas, malgré tout, des interstices dans ce mur d’interdictions ? Je vais en évoquer certains, avec prudence.
(2) Les zones d’ombre
Les accords sans contenu juridique
Revenons à la loi de 1971. Les sanctions qu’elle prévoit menacent les personnes qui auraient « rédigé pour autrui des actes sous seing privé en matière juridique » … sans appartenir aux professions habilitées pour le faire (art. 66-2). Ce qui est interdit, c’est donc de rédiger un écrit à portée juridique, i.e. produisant des effets juridiques. Cette portée juridique, c’est précisément ce qui caractérise le contrat. Je rappelle que « le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations » (art. 1101 C. civ.).
S’il n’y a pas d’obligation juridique, il n’y a pas de contrat, il n’y a pas d’acte « produisant des effets juridiques ». Par exemple, si l’on se met d’accord pour dîner au restaurant un soir, il n’y a pas contrat parce qu’il n’y pas d’obligation juridique : c’est ce qu’on appelle un simple acte de courtoisie. On peut donc se demander si les accords de médiation qui contiennent des engagements « peu importants » n’échappent pas à l’interdiction.
Prenons par exemple un accord dans lequel les médiés s’engagent à se dire bonjour tous les matins, à demander plus souvent son avis l’un à l’autre, à faire preuve de plus d’attention et d’écoute. Cet accord n’est peut-être pas un contrat, n’a peut-être pas un effet juridique. Et dans ce cas, il n’y a peut-être pas d’obstacle pour le médiateur à le rédiger. Mais à vrai dire je ne peux pas affirmer qu’aucun juge n’y verrait un contrat, un acte créant des obligations juridiques pour les parties.
Ce qui m’amène à aborder la même question sous un autre angle : celui de l’intérêt à agir. En droit français, on peut agir en justice que si l’on a un intérêt sérieux et légitime à agir. On ne peut pas saisir le juge pour une prétention non sérieuse, dérisoire. Le problème est que l’intérêt à agir n’est pas défini par la loi et que les juges l’apprécient souverainement, au cas par cas. On peut se demander si les accords que j’évoquais plus haut font bien naître un intérêt à agir, donc s’ils permettent une action en justice. Si ce n’est pas le cas, ils sont en quelque sorte « hors du droit » et il n’y a pas d’obstacle pour le médiateur à mettre ces accords par écrit. Mais là encore, on est plus dans la spéculation que dans la certitude.
La rédaction non rémunérée
A nouveau, revenons à la loi de de 1971. Ce qu’elle interdit (aux professionnels non habilités), c’est de rédiger des actes sous seing privé « à titre habituel et rémunéré ». On passera sur le caractère habituel, qui est en fait retenu dès le deuxième acte (jurisprudence constante de la chambre criminelle).
Peut-on imaginer que le médiateur n’est pas rémunéré pour la rédaction de l’accord ? Peut-on considérer qu’au fond, ce qu’il facture, c’est uniquement la prestation de médiation et que la rédaction d’un accord ou d’un projet d’accord n’est qu’un service qu’il rend aux médiés ? Dans ce cas, il échapperait à l’interdiction posée par la loi de 71. Or, il me semble qu’en général, les médiateurs ne font pas apparaître la rédaction de l’accord dans leur facturation... Là encore, il faut être prudent. Parce que, aussi surprenant que ça puisse paraître, il y a très peu de jurisprudence sur ce point.
On cite en général deux arrêts rendus en 1996 par la cour d’appel de Paris qui ont validé des activités de consultation juridique non facturée. Le premier concerne les sociétés de vente de tickets restaurant qui offraient des consultations juridiques : la pratique a été jugée licite parce que le salarié payait le même prix, qu’il utilise ou non ce service d’assistance, et que l’employeur n’avait lui-même subi aucun surcoût lors de l’apparition de ce service (CA Paris, 20 septembre 1996, n°95/6070). Même chose pour des consultations téléphoniques juridiques et fiscales fournies par une société de domiciliation à ses clients, dès lors que leur rémunération est comprise dans les sommes versées au titre des prestations de domiciliation et qu’elle ne donne pas lieu à une rémunération supplémentaire (CA Paris, 20 juin 1996, n°96-01612). Mais d’abord, ce sont des arrêts anciens. Ensuite, ils ont été rendus dans des circonstances très particulières que je n’ai pas le temps de développer ici. Enfin, ce ne sont pas des arrêts de la Cour de cassation. Prudence, donc. L’idéal serait de faire en sorte que la jurisprudence se prononce sur l’accord de médiation non facturé. Mais pour cela il faudra attendre un premier procès…
L’aide à la rédaction
La troisième zone grise correspond à une pratique assez répandue parmi les médiateurs. Il s’agit de dire « je ne rédige pas l’accord mais je donne aux médiés des éléments pour qu’ils rédigent eux-mêmes ». Selon les cas, on va communiquer aux médiés la synthèse des notes prises en séance, on va recopier ce qui figure sur le paperboard, on écrit un simple « projet d’accord ». On peut aller jusqu’à écrire sous la dictée des médiés.
Est-ce que ces pratiques respectent l’interdiction légale ?
Formellement, oui : le médiateur n’a pas lui-même rédigé le document que les médiés vont signer et qui va organiser leurs droits et obligations futurs. Il n’a pas écrit pour leur compte.
Mais je ne suis pas sûr que l’esprit de la loi de 1971 soit respecté. Quand il apporte son concours à la rédaction de l’accord, le médiateur s’inscrit dans la relation de confiance qu’il a établie avec les médiés. Je veux dire par là que les médiés lui font confiance pour que cet accord soit conforme à leurs intérêts, voire conforme à la loi. A mon avis, le fait qu’il n’aille pas jusqu’au bout de la rédaction n’y change pas grand-chose.
Or on constate que les tribunaux sont assez sévères en la matière, en tout cas en ce qui concerne les avocats. Leur responsabilité a été retenue dans des affaires où pourtant ils n’étaient pas intervenus jusqu’à la finalisation complète de l’accord, soit 1) parce que la signature était survenue en dehors de leur présence, soit 2) parce qu’ils n’avaient donné qu’un projet d’accord (assez détaillé quand même) aux parties.
Certes, le médiateur n’est pas un avocat et les « techniques » que j’ai évoquées vont souvent moins loin qu’un projet d’accord. On ne peut donc pas affirmer que le médiateur qui « aide à la rédaction » peut dans ces cas être assimilé à un rédacteur d’acte (pratiquant donc illicitement). Mais on ne peut pas non plus lui garantir qu’il agisse en toute sécurité.
(3) Pour l’avenir
Je me place à présent dans la perspective des réformes à venir sur le statut du médiateur. Que pourrait-on imaginer en ce qui concerne les accords finaux ? Si du moins on considère que le médiateur doit absolument laisser un écrit … ce qui est loin d’être évident. Trois pistes me semblent envisageables (parmi d’autres, sans doute).
Le procès-verbal
Le procès-verbal est un écrit établi après un accord, un désaccord, une délibération… afin d’en constater l’existence et d’en conserver la trace. Dans un certain nombre de cas, la loi impose l’établissement d’un procès-verbal à l’issue d’une réunion. Par exemple, PV des assemblées générales de copropriétaires ou PV des assemblées de sociétés civiles et commerciales. Le contenu de ces PV est fixé par la loi : nom des personnes présentes, résumé des discussions, relevé de décisions… Ces PV font foi jusqu’à preuve contraire.
On pourrait imaginer d’autoriser le médiateur à dresser un procès-verbal de médiation. Il constaterait dans ce PV l’accord survenu entre les médiés… ou l’absence d’accord. On peut aussi imaginer qu’il consigne également un résumé des échanges entre les parties, mais cela poserait sans doute un problème de confidentialité.
Ce procès-verbal ne ferait foi qu’à la condition d’avoir été signé par les médiés. Le médiateur agirait en quelque sorte comme un secrétaire de séance. Au fond, ce serait autoriser le médiateur à rédiger un certain type d’acte sous seing privé.
Le constat
En droit, le constat est une notion très ouverte : on la rencontre dans beaucoup de contextes, mais elle ne bénéficie pas d’un régime juridique unifié. La loi lui donne une valeur différente selon les contextes. Le constat amiable d’accident, par exemple, n’a pas la même force probante qu’un constat d’huissier (de « commissaire de justice »). Noter que les notions de procès-verbal et de constat sont parfois mêlées : on parle de procès-verbal de constat d’huissier. Dans ce cas, le constat désigne l’opération menée par l’huissier – le PV désigne l’écrit dans lequel le constat est consigné.
On pourrait concevoir un type particulier de constat : le constat d’accord par le médiateur. A vrai dire, ce serait revenir à la version de l’article 131-12 CPC d’avant 2022 : les parties « peuvent soumettre à l'homologation du juge le constat d'accord établi par le médiateur de justice ». Mais ce texte mériterait sans doute quelques modifications et éclaircissements. Il faudrait 1) l’étendre à la médiation conventionnelle, 2) ajouter des précisions sur la forme de ce constat et 3) préciser sa valeur probante.
Bien sûr, c’est à contre-courant des évolutions récentes. Pourtant, les constatations du médiateur ont déjà une existence juridique. L’article 21-3 de la loi de 1995 dit bien que « Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d'une instance judiciaire ou arbitrale sans l'accord des parties » (même chose en substance à l’article 131-14 CPC). A contrario, avec l’accord des parties, ces constatations peuvent être invoquées dans une instance. C’est bien qu’elles ont une valeur… Il suffirait de dire laquelle :
- valeur de simple témoignage écrit ? (I.e. « attestation » en droit de la preuve) Dans ce cas, la valeur probante est laissée à l’appréciation du juge.
- valeur supérieure ? (ex. elles font foi jusqu’à preuve contraire).
Une piste ? Les constatations prévues le CPC (art. 232 et s.). D’après l’article 232, « Le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constatations […] ». Il s’agit donc de demander à un tiers de faire des constatations qui vont éclairer le tribunal sur une question factuelle. Et le Code prévoit que « le juge n’est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien » (art. 246).
Une habilitation à rédiger des actes sous seing privé
C’est en définitive la solution la plus simple : ajouter les médiateurs à la longue liste des personnes autorisées, à côté des avocats, à exercer les fonctions de consultation et de rédaction d’actes. Deux voies sont alors possibles. En fait, elles correspondent respectivement aux articles 59 et 60 de la loi de 1971.
- Une nouvelle profession réglementée est créée pour les médiateurs. La réglementation nouvelle autorise les médiateurs à « rédiger des actes sous seing privé qui constituent l’accessoire direct de la prestation fournie ». C’est la voie de l’article 59, croisé avec l’article 54.
- On ne crée pas de nouvelle profession réglementée. Les médiateurs peuvent rédiger des actes sous seing privé qui constituent l’accessoire « nécessaire » de leur activité (comme aujourd’hui par exemple les conseillers en gestion de patrimoine). Mais il faut alors qu’un arrêté fixe « les conditions de qualification ou d’expérience juridique exigées des personnes exerçant cette activité et souhaitant pratiquer le droit à titre accessoire de celle-ci ». Sachant que le médiateur ne pourra rédiger que « dans les limites de cette qualification ». C’est la voie de l’article 60, croisé avec l’article 54.
Cette deuxième voie est compliquée à mettre en œuvre : compte tenu de la variété des champs de la médiation, quelle qualification pourrait-on imposer aux médiateurs ?
Dans les deux cas, il faut garder à l’esprit ce que ces évolutions impliqueraient. Si le médiateur devient pleinement rédacteur d’acte, il a une obligation de conseil envers les parties et il doit s'assurer de la validité et de l'efficacité de l’acte. Il faudrait donc revoir sa formation. Et peut-être se spécialiser dans certains domaines d’intervention.
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