TMFPO : un signal négatif pour la médiation familiale ?
La TMFPO est l’expérimentation, dans 11 juridictions, d’une obligation de tenter une médiation familiale, avant la saisine du juge aux affaires familiales en modification des décisions relatives à l’exercice de l’autorité parentale ou à la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, ou encore aux dispositions inscrites dans une convention homologuée. Cette expérimentation a démarré en 2017 et le garde des sceaux, ministre de la Justice, M. Eric Dupont-Moretti, lors de son audition au Sénat le 28 novembre 2023, déclarait : « La TMFPO est un dispositif expérimental. Ses résultats n’étant pas encore clairs, j’ai prolongé l’expérimentation pour quelques années et à périmètre constant ».
En dépit de cette déclaration apaisante, le projet de loi de finances de la justice pour 2025 indique que l’expérimentation de la tentative de médiation familiale préalable obligatoire (TMFPO) au-delà du 31 décembre 2024 n’est pas prolongée, le soutien du réseau des associations locales de médiation familiale sera en 2025 réduit à 5,99 M€, contre 7,35 M€ en 2024, soit une diminution de 17,7 %...
Un champ d’application particulièrement sensible
Les modifications des décisions ou des dispositions prises après une séparation parentale sont généralement recherchées à la suite d'un changement significatif dans la vie d’un des co-parents, perte d’emploi, déménagement, changement personnel. Elles sont particulièrement sensibles, car elles impactent un équilibre, parfois précaire, mis en place lors d’une séparation parentale. Elles peuvent remettre en cause des routines ou un équilibre économique acceptés. Elles réactivent l'animosité entre co-parents quand la séparation a été difficile, avec le risque d’affecter une nouvelle fois la stabilité des enfants.
L’idée de proposer une médiation dans ces situations était donc particulièrement bienvenue. En facilitant le dialogue entre parents, pour la recherche de ce qui leur semble le mieux adapté, elle offrait une vraie chance de protéger parents comme enfants de tensions indésirables.
Une obligation qui n’arrive pas à ses fins
Ce qui était moins heureux, en revanche, était de rendre cette démarche obligatoire. Cette obligation présuppose en effet que la démarche soit adaptée à tous. C’est loin d’être le cas, comme le montre l’enquête sociologique publiée en 2022 dans Informations sociales n°207 : « les performances de la TMFPO dépendent du profil sociologique des justiciables – notamment sexe, revenu, origine – et le motif de la requête, éclairant le poids des inégalités sociales en matière de justice ». Ainsi, il apparait que la TMFPO est bénéfique pour « ceux qui font au moins une séance de médiation (36,3% des cas). Pour la grande majorité des autres, elle semble surtout être une perte de temps et d’énergie »…
Une décision à confirmer
Il est difficile d'imaginer que la fin d'une expérimentation comme celle de la TMFPO, qui a mobilisé sur 8 ans des centaines d'acteurs puisse être décidée sans faire l'objet d'une annonce, d'explications et de perspectives.
Les médiateurs reconnaissent volontiers que la TMFPO a eu le mérite de mettre l’accent de manière substantielle sur la médiation familiale, et d’en institutionnaliser la présence dans les 11 juridictions où l'expérimentation a eu lieu. Si son résultat apparait aujourd'hui comme insuffisant, est-ce lié à l’absence de toute concertation dans la définition initiale du projet, comme d'actions correctives au cours de cette expérimentation ? L’enjeu de l'expérimentation dépasse largement l’optimisation du traitement des dossiers judiciaires, et il concerne l’intérêt des enfants et des familles. Il serait donc difficilement compréhensible que l’arrêt de cette expérimentation soit décidé pour des motifs purement budgétaires, et sans réflexion sur la suite.
De plus, prendre cette décision sans en informer le Conseil national de la médiation, et sans lui demander son avis, témoignerait du peu d’intérêt porté à cette nouvelle institution. Plus généralement, interrogerait sur la Politique de l’amiable de la Justice. Est-il normal que cette politique n'apparaisse dans aucun commentaire budgétaire du projet 2025 de loi de finances Justice ?
Comment traiter les demandes modificatives post-séparation en préservant au mieux les intérêts des enfants ? Nous souhaitons que la question fasse l’objet d’une réflexion pluridisciplinaire, dans le cadre du Conseil national de la médiation, entre magistrats, médiateurs, avocats, avec l'aide de sociologues, dont l'éclairage sur ce type de sujets s'avère indispensable.
Jean Rooy et Jean-François Pellerin
médiateurs familiaux DE
membres du Conseil national de la médiation
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