Une politique de l'amiable proposée par le garde des sceaux
Un compte-rendu de la réunion au Ministère de la Justice le 13 janvier 2023
Discours du Garde des sceaux
Intervenant devant un auditoire d’une centaine de personnes, composé de parlementaires, de magistrats, d’avocats, de médiateurs, de conciliateurs de justice, d’universitaires, de chefs de service et de directeurs de son ministère, le ministre rappelle qu’il a présenté le 5 janvier son plan d’action en 60 mesures établi à la suite des Etats généraux de la Justice. Il entend à présent détailler les éléments de sa Politique de l’amiable, dont une idée directrice est de ‘permettre au justiciable de devenir acteur dans la résolution de son propre litige’. Il cite les quelque 2800 conciliateurs de justice et salue leur précieuse contribution, qui se traduit par la bonne résolution de 82000 affaires par an. Il mentionne également le chiffre de 2800 médiateurs de justice, présentés comme pionniers de leur profession, sur qui repose la diffusion de la culture de l'amiable. Il remercie enfin les magistrats, affirmant que les juridictions sont prêtes au changement, prêtes pour une Politique de l'amiable, tout en reconnaissant que c'est une véritable révolution culturelle pour le monde judiciaire.
L’enjeu pour le justiciable est l’appropriation de son procès et la maîtrise de sa durée. L’enjeu pour le magistrat est de se concentrer sur les questions les plus complexes. L’enjeu global pour la justice est de réduire par deux les délais de la procédure civile.
Pour les conciliateurs, le ministre s'engage à redonner une base légale au recours obligatoire à la conciliation, pour les affaires inférieures à 5000 €. Il va aussi lancer une grande campagne de communication en vue du recrutement de nouveaux conciliateurs de justice, et revaloriser leur indemnité.
Pour les médiateurs, il a reçu 50 candidatures pour le Conseil national de la médiation, et il attend de ce conseil que la médiation devienne plus lisible et plus accessible. [Il semblerait que la composition du CNM pourrait être annoncée fin mars, en vue d’une première réunion avant l’été].
Pour les avocats, il souligne le besoin d'une implication forte de la profession, qui passe par des compléments de formation initiale et continue sur tous les modes amiables. Il est favorable à une spécialisation des avocats sur le droit de l'amiable. Il entend enfin revaloriser les forfaits d’assistance juridique pour ces modes amiables.
Pour les magistrats il souhaite des changements dans le code de procédure civile, notamment en réunissant tous les modes amiables sous un même chapitre. Il propose des audiences permettant de choisir l'orientation de la procédure entre une voie amiable et courte et une voie contentieuse plus longue. En matière de voisinage, il privilégie la conciliation, comme, en matière familiale, la médiation. En matière de contentieux sériels il souligne l’intérêt de la césure du procès. Il annonce enfin que la conférence de règlement amiable permet au Québec en une journée de traiter une affaire avec 72 % de succès : cette conférence de règlement amiable va être ajoutée à la liste des modes amiables dans le code de procédure civile.
Toutes ces réformes font déjà l'objet de textes dont le ministre a annoncé la préparation au sein de ses directions, avant de conclure « Tous ensemble, mettons au vert tous les feux de l’amiable ».
Voir le texte complet de ce discours
Table ronde sur la Procédure participative
De l’avis des trois intervenants à cette table ronde, la procédure participative est idéale pour impliquer les justiciables et réduire les délais de résolution des litiges. Elle favorise l'écoute et le dialogue avec les parties, permet le déplacement sur les lieux pour une meilleure prise en compte de la réalité du terrain, autorise le recueil d’accords partiels. Elle conduit à un traitement adapté aux situations, une proportionnalité procédurale. Cette procédure donne au juge une nouvelle mission d’appui. Il est proposé d’instituer une procédure participative au niveau de la mise en état, ou mise en état participative.
Les membres de la table ronde se sont interrogés sur les raisons pour lesquelles, en dépit de ses qualités, cette procédure participative reste marginale depuis 13 ans et 6 textes successifs. Il ne semble pas que ce soit une question de formation, puisque celle-ci existe, aussi bien pour les magistrats que pour les avocats. La table ronde conclut en proposant un 7ème texte incitatif, dans lequel la mise en état participative serait le principe, et la mise en état ‘judiciaire’, purement écrite, l'exception.
Il est souligné que la politique de l'amiable est avant tout pensée pour le citoyen justiciable et que les invitations à recourir aux modes amiables doivent être proposées le plus tôt que possible dans la procédure.
Table ronde sur la Conférence de règlement amiable
La deuxième table ronde concernait la conférence de règlement amiable, notamment présentée par une juge et avocate honoraire au Québec. Dans le code de procédure civile du Québec le juge, au titre de sa mission de conciliation, a la possibilité d'organiser une conférence de règlement amiable. Des dispositifs similaires existent déjà dans d'autres pays. La conférence de règlement amiable peut intervenir en début d'instance ou en cours d'instance. Les tribunaux en font la promotion auprès des justiciables. Elles sont organisées aussitôt que les justiciables en font la demande et se déroulent sur une seule journée. Les accords obtenus sont homologués le soir même ou le lendemain.
Ces conférences se font en présence d'un juge, des parties et de leurs avocats. Le juge peut situer les options mais ne doit pas donner son opinion. Il veille à maintenir les débats à l'intérieur d'un ‘corridor du raisonnable’. Le déroulement de la conférence comprend notamment des ‘caucus’ ou apartés entre le juge et une partie, avec son conseil. Il est important que ces conférences se tiennent dans les locaux de la justice, mais dans des salles de conférence, différentes des salles d’audience, munies d’annexes pour les caucus. Ces conférences sont réservées à des litiges qui excèdent le seuil des petits litiges (fixé au Canada à 15.000 $CAN).
Il reste qu'au-delà de la question des locaux appropriés dans les tribunaux, ces conférences supposent pour leur animation un effectif plus important de juges : l’idée de confier cette animation à des juges honoraires volontaires a été évoquée.
Table ronde sur la Césure du procès civil
La troisième table ronde a permis l'intervention d'une juge allemande. Celle-ci souligne que la césure concerne des procès complexes (des actions de groupe par exemple) dans lesquels le juge statue sur les responsabilités. C'est ensuite une médiation qui permet d'en tirer les conséquences. Il a été mentionné que la césure peut également être utile dans des situations de partage judiciaire, et qu’elle est aussi mise en œuvre à Paris dans une Chambre de Propriété Intellectuelle.
A signaler que, contrairement à la France, le juge a en Allemagne la possibilité de donner une opinion préliminaire, ce qui apporte une certaine prévisibilité à la décision de justice.
En conclusion
La Politique de l’amiable voulue par le Garde des sceaux comporte de nombreuses propositions. L’accueil et le développement de ces propositions est conditionné en premier lieu par les conditions dans lesquelles chacune sera élaborée avec les acteurs, transcrite dans des décrets, et, dans certains cas, votée au parlement. Le développement suppose la motivation de tous les acteurs pour s'en emparer et les faire vivre, de façon bien coordonnée. Une typologie des cas d’usage (quel mode amiable est adapté à quel type de situation ?) commence à se dessiner. C’est une des demandes que notre syndicat avait faites devant les Etats généraux de la justice. Reste à poursuivre ce travail de clarification, qui conditionne la lisibilité du nombre croissant de modes amiables.
Nous n'avons pas manqué d'observer que le ministre parlait plus facilement de médiation que de médiateurs. Or, parler de médiation sans évoquer les médiateurs, c'est risquer de passer à côté des questions de conditions d'intervention, de rémunération, voire de compétence. Il y a donc sur tous ces points un grand besoin de vigilance.
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