Recours aux modes amiables en cas de conflit de voisinage
L’article 750-1 du code de procédure civile est de retour. En cas de conflit de voisinage, ou d’un conflit portant sur une somme inférieure à 5000€, il est de nouveau obligatoire de recourir à une conciliation, une tentative de médiation ou une tentative de procédure participative avant de saisir le juge. A compter du 1er octobre 2023 l’action en justice sera irrecevable faute de justifier de la mise en œuvre d’un mode amiable de résolution des litiges.
L’aller-retour de l’article 750-1 pourquoi ?
L’article 750-1 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2019-13333 du 11 décembre 2019 instituait l’obligation de recours préalable à une conciliation menée par un conciliateur de justice, une tentative de médiation ou une tentative de procédure participative, pour les litiges n’excédant pas la somme 5000€ ou relatifs à des conflits de voisinage. Il prévoyait une dispense à cette obligation dans plusieurs cas et notamment en cas d’indisponibilité des conciliateurs de justice entrainant un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige.
Le Conseil d’Etat dans son arrêt du 22 septembre 2022 (Req 436939) a annulé l’article 750-1 au motif que le texte ne définissait pas de façon suffisamment précise les modalités et ou les délais selon lesquels l’indisponibilité du conciliateur de justice pouvait être établie. Le Gouvernement a donc refait sa copie. Le décret du 11 mai 2023 a réintroduit l’article 750-1 dans sa réaction initiale et a apporté des précisions quant à l’indisponibilité des conciliateurs.
« En application de l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative, lorsqu'elle tend au paiement d'une somme n'excédant pas 5 000 euros ou lorsqu'elle est relative à l'une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l'organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage.
Les parties sont dispensées de l'obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants :
1° Si l'une des parties au moins sollicite l'homologation d'un accord ;
2° Lorsque l'exercice d'un recours préalable est imposé auprès de l'auteur de la décision ;
3° Si l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l'urgence manifeste, soit aux circonstances de l'espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu'une décision soit rendue non contradictoirement, soit à l'indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d'un conciliateur ; le demandeur justifie par tout moyen de la saisine et de ses suites ;
4° Si le juge ou l'autorité administrative doit, en application d'une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ;
5° Si le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l'article L. 125-1 du code des procédures civiles d'exécution. »
Ces dispositions sont applicables à toutes les procédures engagées à compter du 1er octobre 2023. Le retour de l’article 750-1 du code de procédure civile, est un des premiers actes de la politique de l’amiable annoncée le 13 janvier 2023 par le Garde des Sceaux. Nous espérons que d’autres suivront !
Quelles conséquences pour le médiateur ?
Comme déjà dit, pour être recevable dans sa demande en justice, le demandeur va devoir justifier de ses démarches pour tenter de parvenir à un accord en médiation. Les médiateurs devront donc être attentifs à ce que les tentatives de médiation soient effectives et suffisantes pour que la demande en justice ne risque pas d’être déclarée irrecevable d’office. Une simple attestation de participation ou invitation à une information sur la médiation risque d’être jugée insuffisante. Une demande irrecevable peut entraîner pour le demandeur la perte de son droit ou de sa créance, et en tous cas des frais supplémentaires et une perte de temps.
Compte tenu de cet enjeu pour les justiciables, les médiateurs doivent être attentifs à effectuer des démarches suffisantes pour mettre en place la médiation et à délivrer une attestation de tentative de médiation aussi précise que possible, sans méconnaître leur obligation de confidentialité. Bien entendu ils ne doivent pas mentionner la raison de l’échec de la médiation, ni qui est à l’origine de cet échec. Ils peuvent en revanche établir une attestation faisant mention des courriers simples et recommandés réitérés, courriels, accusés de réception, envoyés, le nombre de séances de médiation etc… )
Soulignons pour conclure que les conflits de voisinage sont nombreux et divers. Certains représentent des enjeux économiques significatifs : bornages, plantations, servitudes... Ils concernent de plus la relation entre des personnes qui sont supposées vivre côte à côte de manière durable. Il semble donc qu'une partie de ces affaires soit particulièrement bien adaptée au domaine de la médiation.
Marion Manciet de Nervo
Avocate honoraire et Médiatrice
près la Cour d’appel de Paris et Versailles
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