Avancées et limites du décret du 18 juillet 2025, pour les médiateurs
Le décret n°2025-660 du 18 juillet 2025, en vigueur au 1er septembre 2025, recodifie le Livre V du Code de procédure civile relatif à la résolution amiable des différends. Il a été accueilli comme signe d’une réelle volonté d’assurer le développement des modes amiables en général. Nous proposons ici une synthèse des principales évolutions de ce texte qui concernent les médiateurs, avec les premiers commentaires du SYME, qui en soulignent les avancées, mais aussi parfois les limites.
I. Des principes largement commentés
- La conciliation et la médiation régies par le présent titre s'entendent de tout processus structuré par lequel plusieurs personnes tentent, avec l'aide d'un tiers, de parvenir à un accord destiné à la résolution du différend qui les oppose (CPC Art 1530).
- La conciliation est menée par le juge ou un conciliateur de justice, tiers bénévole institué par le décret n° 78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice (CPC Art 1530-1).
- La médiation est menée par un médiateur, tiers en principe rémunéré, qui ne peut être un juge ou un conciliateur de justice (CPC Art 1530-2).
- L'accord auquel parviennent les parties ne peut porter que sur des droits dont elles ont la libre disposition (CPC Art 1528-2).
Commentaire du SYME
Les médiateurs regrettent que la médiation soit, une fois de plus, considérée par la Justice comme simplement destinée à parvenir à un accord pour la résolution d’un différend. Cette compréhension restrictive des enjeux de la médiation est, à leurs yeux, aggravée ici par l’imprécision de l’expression « médiateur, tiers en principe rémunéré », dont la portée dans ce texte nous échappe.
Le paradoxe est aussi que, si médiation et conciliation sont confondues dans leur définition, les conciliateurs bénéficient d’un statut par le décret n° 78-381 du 20 mars 1978, alors que les médiateurs ne bénéficient d’aucun statut, et semblent curieusement, puisqu’ils ne sont ni juges ni conciliateurs de justice, n’avoir qu’un seul droit, celui d’être ‘en principe’ rémunérés…
Nous sommes en revanche tout à fait en accord avec le principe selon lequel les droits indisponibles ne peuvent faire l’objet d’un accord de médiation. Et nous notons qu’une sensibilisation spécifique sur ce point doit être organisée ou renouvelée en direction des médiateurs non juristes.
II. Confidentialité : des limites clarifiées et des sanctions
Le principe de confidentialité est aménagé.
- Ce qui RESTE confidentiel : sauf accord contraire des parties, tout ce qui est dit, écrit ou fait au cours de la médiation est confidentiel. Cette confidentialité s'applique également aux pièces élaborées durant le processus (CPC Art 1528-3).
- Ce qui n'est PAS confidentiel :
- Les pièces produites (c'est-à-dire les documents existants que les parties communiquent) au cours de la médiation ne sont pas couvertes par la confidentialité (CPC Art 1528-3).
- La présence ou l'absence d'une partie à la réunion d'information (CPC Art 1533-1). Le médiateur a l'obligation d'informer le juge de la présence ou de l'absence des parties. Pour assurer l'efficacité de cette mesure, une partie qui ne se présente pas à l'injonction d'information sans motif légitime encourt une amende civile pouvant aller jusqu'à 10 000 € (CPC Art 1533-3).
Commentaire du SYME
Concernant la confidentialité des propos et des pièces élaborées en médiation, il n’y a pas de changement. Le nouveau décret précise en revanche que des pièces existantes et communiquées (produites) au cours de la médiation ne seront pas protégées par la confidentialité. Cette précision semble logique et bienvenue.
La non-confidentialité de l’information sur la présence des parties à la réunion d’information sur la médiation constitue une rupture importante dans l’esprit des médiateurs. Hors médiation judiciaire, les parties ont déjà la possibilité d’apporter la preuve de leur présence à cette information en fournissant une attestation du médiateur. Il semble donc que cette disposition concerne surtout la médiation judiciaire, pour laquelle, comme nous le verrons, la mission du médiateur est désormais très encadrée.
La perspective d’une amende civile pouvant aller jusqu’à 10.000 €, en cas de refus de s'informer sur la médiation, peut susciter une certaine incompréhension. Les médiateurs sont en effet attachés, par principe, au libre consentement à la médiation. Ils peuvent en revanche reconnaître le bénéfice d’une incitation à s’informer sur la médiation. Reste à savoir si cette incitation doit prendre la forme d’un risque de sanction… Il sera donc intéressant d’évaluer, d’ici quelque temps, l’intérêt de cette disposition, en fonction du nombre de fois où elle aura été mise en œuvre.
III. L'ordonnance « deux en un » pour la médiation judiciaire
Le juge peut désormais émettre une ordonnance "deux en un", dont le contenu est détaillé par l’Art 1534-1. Par une seule décision, il peut alors :
- Enjoindre les parties à rencontrer un médiateur pour une séance d'information. Cette réunion peut se tenir par communication audiovisuelle (CPC Art 1533-2).
- Ordonner la médiation, si les parties y consentent après cette séance d'information.
Un délai d'un mois pour le consentement. Dans le cas d'une ordonnance « deux en un », si le recueil du consentement des parties est délégué au médiateur, ce dernier dispose d'un délai d'un mois, au-delà duquel la décision du juge est caduque. Dans ce délai, le médiateur doit mener le ou les entretiens, recueillir le consentement des parties et informer le juge de leur décision (CPC Art 1534-1).
Commentaire du SYME
Ce délai d’un mois s’applique aux situations dans lesquelles le recueil du consentement des parties est délégué au médiateur. A l’évidence, ce délai, compté à partir de la décision du juge, est amputé du délai de transmission de cette décision, et de celui qui est nécessaire à la recherche des coordonnées des parties, d’une date de réunion compatible avec leurs agendas, voire d’un délai minimal de réflexion. Autant dire que ce délai semble impossible à tenir. L’ordonnance « deux en un » n’est-elle à ce jour réellement opérable que dans les situations où le juge a obtenu l’accord des parties ? Dans ces cas, observons que l’accord des parties aura été obtenu sans information préalable, ce qui remet en cause le principe de libre consentement à la médiation.
IV. Des précisions importantes sur la médiation judiciaire
- Acceptation de la mission : Le médiateur doit faire connaître au juge son acceptation sans délai (CPC Art 1534-3).
- Agrément du juge : Dans le cas où la médiation est attribuée à une personne morale, son représentant doit soumettre à l'agrément du juge le nom du ou des médiateurs personnes physiques désignées pour assurer la médiation (CPC Art 1530-2).
- La médiation peut porter sur tout ou partie du litige. La décision interrompt le délai de péremption de l'instance jusqu'à l'issue de la médiation (CPC Art 1534).
- La durée initiale de la médiation ne peut excéder cinq mois. Cette durée court du jour où la provision à valoir sur la rémunération du médiateur est versée entre les mains de ce dernier. La médiation peut être prolongée une fois, pour une durée de trois mois, à la demande du médiateur (CPC Art 1534-4).
- Pour procéder à la médiation, le médiateur convoque en tant que de besoin les parties aux lieu, jour et heure qu'il détermine (CPC Art 1535).
- Le médiateur peut, avec l'accord des parties, se rendre sur les lieux et entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile, sous réserve de l'acceptation de celle-ci (CPC Art 1535-1).
- Les parties peuvent être assistées devant le médiateur par toute personne ayant qualité pour le faire devant la juridiction saisie (CPC Art 1535-2).
- Information du juge : Le médiateur doit informer le juge des difficultés qu’il rencontre dans sa mission, ainsi que de la réussite ou de l'échec de la médiation (CPC Art 1535-4).
- Le juge peut mettre fin, à tout moment, à la médiation sur demande d'une partie, à l'initiative du médiateur, ou lorsque la médiation apparaît compromise ou sans objet (CPC Art 1535-5).
- La rémunération du médiateur est fixée, à l'issue de sa mission, en accord avec les parties. L'accord peut être soumis à l'homologation du juge en application de l'article 1543. A défaut d'accord, la rémunération est fixée par le juge (CPC Art 1535-6).
- L'accord issu d'une médiation judiciaire peut être constaté dans un écrit signé par les parties. Dans ce cas, le médiateur atteste que l’accord est issu d’une médiation (CPC Art 1535-7).
Commentaire du SYME
Avec ces dispositions, les obligations des médiateurs vis-à-vis des juges deviennent plus contraignantes. Nous espérons donc que l’acceptation de ces contraintes favorise, en contrepartie, le développement de la médiation judiciaire.
Nous nous bornerons à souligner l’importante notion d’accord issu de la médiation, signé par les parties. Pour la première fois, il est prévu que le médiateur atteste (mais sans préciser par quel moyen !) que l’accord est issu de la médiation. Une bonne réflexion des médiateurs reste nécessaire pour préciser les conditions de rédaction de cet accord.
V. Des précisions sur la médiation conventionnelle
Le décret consacre plusieurs pratiques et droits :
- En médiation conventionnelle : Il est nécessaire d'obtenir l'accord des parties sur le nom des médiateurs désignés (CPC Art 1530-2).
- Reconnaissance de la comédiation et du droit pour les médiateurs d'échanger des informations entre eux (CPC Art 1536-1).
- Le médiateur peut se rendre sur les lieux et entendre des tiers, avec l'accord des parties (CPC Art 1536-2).
- L’accord issu d’une médiation conventionnelle peut comme en médiation judiciaire être constaté dans un écrit signé par les parties et dans lequel le médiateur atteste que l’accord est issu d’une médiation (CPC Art 1536-4).
Commentaire du SYME
L’art 1536-1 n’a pas son équivalent en médiation judiciaire, ce qui suggère que la comédiation n’est pas autorisée en médiation judiciaire…
Le commentaire ci-dessus relatif à l’accord issu de la médiation est également valable pour la médiation conventionnelle.
En conclusion
Il ressort de ces textes que la médiation commence, dans le code de procédure civile, à bénéficier d’une incontestable ouverture. Mais le caractère imprécis de certaines expressions qui concernent les médiateurs, suggère que du chemin leur reste à faire avant d’obtenir un statut qui témoigne de la confiance de l'institution judiciaire.
Marion de Nervo, Jean-François Pellerin, Jean Rooy
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