Vos commentaires du premier rapport d'étape du CNM
Le SYME a demandé aux lecteurs de sa newsletter de faire part de leurs réactions sur le premier rapport d’étape et les propositions du CNM. Comme souvent en matière de sondages, le taux de retour est en-deçà de nos attentes, mais les commentaires réalisés sont particulièrement substantiels. Ils témoignent d’un vif intérêt pour ce volumineux document. Comme nous nous y étions engagés, nous vous présentons ci-après certains des éléments saillants de ces réponses, en priant ceux qui ont pris la peine de s’exprimer de bien vouloir nous excuser de n’avoir retenu qu’une partie de leurs commentaires.
En premier lieu, soulignons la satisfaction qui ressort de la lecture de cette première synthèse des échanges entre les quelque 40 membres du CNM, venus de tous les horizons de la médiation : « très bonne analyse… travail novateur et riche… rapport concret et sans théorie… » Cette satisfaction est toutefois tempérée par des remarques sur l’importance excessive des juristes dans la composition du CNM, voire sur une « mise sous tutelle du CNM par le ministère de la justice et de sa composition qui ne reflète pas la diversité des médiateurs et la nécessaire interdisciplinarité, voire de la transdisciplinarité, intrinsèque à la médiation. »
Est également regrettée la multiplication de termes juridiques et administratifs. A titre d’exemple :
« Le "justiciable particulier" cité en permanence, est avant cela, une personne physique ou morale qui peut avoir une vie riche de différends, parfois dès son plus jeune âge. Comment est-il ici, pris en compte ? Quelle réponse apportons-nous à son besoin d'accompagnement par un tiers neutre, impartial [le médiateur], en dehors de la saisine du juge ? A quoi lui servirait une liste de médiateurs établie, certes avec beaucoup de rigueur par chaque Cour d'appel, dont il n'aura finalement que faire puisqu'il ne souhaite pas devenir justiciable ? Que comprendra-t-il alors à la médiation conventionnelle, sans focus sur cette dernière ? »
Définition de la médiation
Cette définition est plutôt bien accueillie. Toutefois et de façon prévisible, une clarification de la distinction entre médiation et conciliation est fortement attendue, point qui fait l’objet d’un autre article du SYME. Sur cette distinction, il est recommandé de s’intéresser aussi aux distinctions de posture, celles-ci pouvant être traitées dans la partie ‘déontologie’.
« Dans la définition même de la médiation, j’aimerais retrouver la notion de processus confidentiel et pas seulement d’échanges confidentiels, de liberté, de responsabilité et d’autonomie des personnes et d’un médiateur qui conduit le processus. La définition d’une proposition de loi déposée au Sénat en 2021 en partie reprise posait cette phrase intéressante sur la co-construction du cadre qui pourrait être aménagée : «…le médiateur conduit le processus de médiation (…) et facilite les échanges permettant aux personnes de créer les conditions d’écoute et de dialogue, d’envisager les aspects de leur conflit pour trouver une… » issue (plutôt que solution) à celui-ci, suffisamment satisfaisante et équitable pour tous. »
Il est proposé que la définition de la médiation « mette aussi en avant le fait que le processus peut non seulement rétablir les liens mais aussi accélérer une décision de séparation. »
Déontologie
Les remarques relatives à la déontologie dénotent le profond attachement des médiateurs pour ce qui fait leur spécificité. Une première remarque de principe porte sur le fait qu’avoir une définition commune de la médiation n'entraîne pas l'assurance d’une déontologie commune. Il reste donc à vérifier que ces principes de déontologie sont acceptés par tous ceux qui se revendiquent médiateurs, qu’ils soient représentés ou non au CNM.
« Globalement, je trouve cette déontologie assez « aseptisée ». Elle ne rend pas compte du conflit comme fait social, au cœur même de nos sociétés et de nos relations. Les êtres humains sont ambivalents, ont des sentiments contradictoires, des mécanismes de défense inconscients, des accès de violence parfois, pas toujours aussi civilisés qu’ils voudraient le faire croire. Cette déontologie pourrait reconnaître le conflit comme fait social en préambule ainsi que l’humanité et la démocratie comme valeurs fondamentales. La médiation propose un cadre éthique qui ouvre la voie du dialogue plutôt que de recourir à la violence, dans lequel les personnes vont pouvoir faire une expérience démocratique pour se parler, s’écouter, dessiner ensemble leur propre voie d’amélioration pour sortir de l’impasse conflictuelle dans laquelle elles étaient en souffrance. A l’instar du livret éthique n°1 de l’APMF, le code de déontologie pourrait être introduit en préambule par des principes éthiques qui permettent de guider les médiateurs dans leur pratique, notamment les principes éthiques de liberté et de responsabilité des personnes, du dispositif de médiation à travers le cadre contenant, symbolisant les limites, l’éthique du médiateur… Globalement, plutôt que de poser des obligations aux médiateurs, posons des principes éthiques directeurs et laissons aux médiateurs la liberté, l’autonomie et l’indépendance leur permettant de créer les conditions du dialogue et de la sécurité psychologique pour les personnes, d’exercer leur capacité de discernement pour conduire le processus dans de bonnes conditions ou de le stopper si nécessaire. Ceci hors des injonctions du « bon parent » de la CNAF ou du « bon justiciable » pour le ministère de la justice. »
Un autre point sensible concerne la rédaction des engagements des participants. Sur ce point, il apparaît une contradiction entre les paragraphes 'Obligations déontologiques' et 'Écrits du médiateur'. Le CNM s'est prononcé en faveur du fait que le médiateur n'est pas partie prenante des écrits des participants à la médiation. Dans la Déontologie, 'il ne rédige pas les engagements des participants, sauf si la loi ou le règlement le prévoit, et ne les signe pas'. Dans les Écrits, 'il peut les signer, à la demande des parties pour attester de sa présence'.
« L'évocation des écrits en médiation est préoccupante, mais je lis que les échanges ne sont pas clos sur ce sujet : il ne faut absolument pas attribuer de responsabilité au médiateur sur les écrits de médiation, ce qui modifierait sa posture neutre. »
« Je préfèrerais cette formulation : Les participants peuvent décider de garder une trace écrite de leurs engagements en médiation. Le médiateur peut aider à la formulation, mais il n’en est ni partie, ni signataire. »
Deux sujets complexes sont également commentés; l’IA et la violence :
« L’IA n’est pas une voie pour la médiation. Les relations humaines, la vie humaine, les comportements humains n’ont pas vocation à être optimisées par l’IA ! Ce n’est pas aller contre le progrès que de préserver des espaces exclusivement dédiés à l’humain. Le code de déontologie devrait affirmer en préambule que la médiation est un processus d’échange humain qui nous permet de faire l’expérience du dialogue et de mettre à l’épreuve notre humanité. Cette présence de l’IA devrait être mise en débat entre les médiateurs. »
« Le médiateur s’abstient notamment lorsque des violences sont alléguées. Cette affirmation mériterait discussion entre les médiateurs. De quelles violences parle-t-on ? Physiques, verbales, psychologiques… Certes, il faut protéger les personnes des violences et des formes d’emprise les plus graves. Cependant, il s’agit de considérer que des formes de violence sont parfois inhérentes au conflit, des tentatives de « manipulation » peuvent être inconscientes, une violence alléguée peut être aussi une manipulation…. Si les deux personnes demandent la médiation et s’accordent pour s’essayer à la parole plutôt que de recourir à la violence, alors pourquoi le médiateur s’abstiendrait-il ? Il s’agirait davantage de former les médiateurs à reconnaître la violence, les phénomènes d’emprise de manière à aiguiser leur capacité de discernement pour créer les conditions de sécurité psychologique et d’un cadre contenant… »
Formation
Les remarques relatives à la formation témoignent également du vif intérêt des médiateurs pour leur parcours de formation. Là encore, une remarque de principe porte sur le fait qu’avoir élaboré une définition commune de la médiation n'entraîne nullement la faisabilité d’une formation commune. Par ailleurs, le fait de définir un référentiel commun de formation débouche sur l’idée d’un contrôle des formations, qui n’est nulle part mentionné dans ce rapport.
« Globalement, le référentiel de formation du médiateur est révélateur d’un CNM sous tutelle du ministère de la justice avec des formulations très juridiques et une vision de la médiation/négociation selon le courant juridique, faite pour les avocats, et que je ne partage pas. A travers ce référentiel, je ressens la volonté de contrôle et d’emmener la médiation dans cette direction. Quid de l’indépendance et de la neutralité du CNM ? »
« De manière générale le référentiel de compétences est très orienté médiation en juridictions, dommage qu’il n’intègre pas aussi d’autres champs de la médiation, notamment en organisations qui est en plein essor. »
« J'aurais des suggestions à faire pour affiner les points structurants du savoir faire et du savoir être du médiateur. de façon à faire émerger la compétence spécifique du médiateur. Faire appel aux universités pour avancer sur le travail de construction du référentiel. »
« Un référentiel de formation va de pair avec un référentiel de compétences. Il s’agirait de bien définir le référentiel de compétences avant d’écrire le référentiel de formation. Le référentiel de compétences du DEMF est particulièrement abouti pour pouvoir s’en inspirer largement dans le cadre d’un référentiel global de compétences du médiateur… Que signifie « modules recommandés » ? Un médiateur pourrait-il ne pas être formé sur la totalité pour exercer ? »
Listes de médiateurs
Plus curieusement, la question des listes n’a pas fait l’objet de longs commentaires. Peut-être est ce dû au fait que ce sujet n’est pas encore clos.
« Personnellement, je ne suis pas inscrite sur ces listes et je ne le ferai pas tant que la dépêche du ministère de la justice du 8 février 2018 sera en vigueur. Ce texte ne reconnaissait pas le diplôme d’Etat de médiateur familial comme diplôme de référence de la médiation familiale et mettait pêle-mêle tous les profils dans la rubrique de médiation familiale. Le rapport d’étape du CNM semble pointer la spécificité de la médiation familiale. Alors j’attends de voir la réalité de cette recommandation à travers les textes qui régissent la liste des médiateurs… J’attends donc une réforme de ces textes et une reconnaissance réelle du DEMF par le ministère de la justice. »
Il ne s'agit que du premier rapport d'étape...
Ce rapport du CNM est une première étape d’un processus de réflexion collective au sujet de la médiation. A notre connaissance, la seule réflexion du même type, en profondeur, avait été initiée entre 2002 et 2003 au sein du Conseil national consultatif de la médiation familiale... C’est dire l’importance et même l’urgence d’une telle démarche ! Ce travail soulève de nombreuses questions et a fait l’objet de discussions animées. Tous les points de ce rapport ont été approuvés par une majorité des membres du CNM, parfois à l’encontre des avis du SYME... Nous mesurons bien sûr l'importance de ce conseil consultatif, face à tous les besoins de la médiation et des médiateurs.
Les points de vue exprimés par ceux qui ont apporté leurs commentaires sont de précieuses sources d’inspiration pour les prochains travaux du CNM. Un grand merci à tous pour votre aide.
Vincent Mugnier et Jean-François Pellerin
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